Universités et écoles Sénégalaises : Focus sur la racine du mal

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Une journée morte, c’est le mot d’ordre de grève que l’alliance du Cadre unitaire syndical des enseignants du Moyen et du Secondaire (Cusems) et le Syndicat Autonome de enseignants du Moyens Secondaires (Saemss) a observé  mardi. Il s’agit d’une grève liée à beaucoup de points de revendication, dont les accords avec le gouvernement jusque-là non respectés. Ce mouvement d’humeur n’épargne pas le niveau supérieur où les acteurs sont dans tous leurs états.

Comme le moyen-secondaire, les enseignants du supérieur ont décidé eux aussi d’aller en grève. Ces syndicats exigent de l’Etat le respect des accords. Et, ils s’indignent de la réaction du ministère de tutelle, dirigé par Cheikh Oumar Hann. Ces mouvements d’humeur, notés à toutes les échelles, plombe le déroulement des enseignements apprentissages, ramenant sur la table la lancinante question de l’instabilité de l’école sénégalaise.

En effet, cette grève dans le moyen-secondaire intervient juste un mois après la rentrée scolaire. Le respect de la ‘journée morte » a ainsi fait réagir le secrétaire général national du syndicat autonome des enseignants du moyen secondaire du Sénégal (Saems). « Nous constatons que l’école sénégalaise est secouée par ce que l’on appelle des perturbations cycliques« , a remarqué El Hadji Malick Youm. Mais, énumère le secrétaire général national du Saems, « pour dire vrai, toutes ces perturbations cycliques ne sont que la conséquence du non-respect des accords signés par le gouvernement du Sénégal. Aujourd’hui, le Sénégal est un pays dans lequel, nous sommes dans ce que l’on appelle des revendications de restrictions depuis plus de deux décennies. C’est dire que le gouvernement signe toujours des accords de façade avec les syndicats juste pour sauver une année scolaire et pour ce qui concerne la matérialisation, il ne respecte jamais ses engagements. Et, c’est cela qui pousse tout le temps les syndicats à sortir chaque année pour demander le respect des accords et, chaque année, les syndicats en profiteront pour régler au moins un point. Et, c’est cela la véritable source d’instabilité au niveau de l’espace scolaire. Il y va de la responsabilité du gouvernement du Sénégal, dont la signature n’est aujourd’hui plus crédible« .

Sur les raisons de cette journée morte, le syndicaliste ne tarit pas d’explications. « Pendant l’année dernière, nous avons eu à rencontrer le gouvernement à la date du 13 juin et avions discuté avec eux. Nous leur avions dit que nous ne souhaiterions pas que dès l’entame de l’année scolaire prochaine qui coïncidera avec  une année électorale, qu’on nous taxe d’être des politiciens. Donc, vous avez signé des accords, respectez-les pour qu’on puisse avancer. Et, ils nous ont répondu qu’ils allaient mettre à profit les vacances pour régler toutes les questions. Nous avons attendu  du mois de juillet au mois de septembre avant de les interpeller. Cette année, tous les engagements qu’ils ont pris, même les rencontres, ils ne les ont pas respectés. Nous avons dit que nous allons lancer un plan d’actions d’alerte afin de leur rappeler que s’ils ne respectent pas leur engagement nous allons sévir. Cette journée morte est une réaction par rapport à leur refus de prendre en charge les préoccupations de l’école« .

Un point soutenu par le professeur Songué Diouf qui déclare qu’il y’a un  » faisceau de causalité ». Pour lui, ce bras de fer n’est qu’un genre de remake dont le casus belli n’a jamais varié. « Pour l’instant, il y a une cause qui revient et c’est la même. Ils disent tout le temps dans leur plateforme, aujourd’hui comme hier, le respect des accords. Donc, l’on voit que l’une des premières causes de perturbations, c’est que très souvent, les gouvernants font des promesses qu’ils savent eux-mêmes qu’ils ne pourront pas tenir. Ce qui fait quand  l’année nouvelle s’installe, les enseignants au bout d’un mois reviennent pour déposer des préavis de grève. Mais, très souvent, si vous faites attention, si vous faites attention, il ne s’agit pas d’une nouvelle revendication, mais c’est le respect des accords. Donc, la principal cause est due au fait que, les gouvernants ne respectent pas les accords signés avec les syndicats« .

Alors que le moyen-secondaire donne de la voix pour des accords signés et non respectés, les syndicats du supérieur ne sont pas épargnés non plus. Le mal est ainsi général à tout le corps enseignant, peu importe le secteur. Sur la récurrence des mouvements d’humeur, Fatou Seck Youm, la coordonnatrice du Syndicat Autonome de l’enseignement supérieur (Saes) campus de Dakar, avance que « l’Etat ne donne pas assez de moyens à l’éducation nationale ». À l’en croire, le problème persiste malgré les budgets votés annuellement pour le secteur.  »Chaque année, ils votent des budgets, l’on nous dit qu’il y a tant de milliards FCFA qui ont été votés pour l’enseignement, mais, à la fin, l’on se rend compte que le gouffre est tellement grand qu’on se pose la question à savoir où est-ce que l’argent est injecté. ça c’est problématique. C’est-à-dire qu’aujourd’hui il faut qu’il y ait des assises de l’éducation et de l’enseignement supérieur pour diagnostiquer et identifier les véritables problèmes. Au niveau de l’université par exemple, il y a la massification. Le fait qu’on a pas assez d’infrastructures pour accueillir ces jeunes qui ont leur baccalauréat et qui sont tenus de progresser au niveau de leur étude en accédant à l’enseignement supérieur. Au delà des infrastructures, il y a le corps professoral qui doit suivre. Parce que plus d’étudiants nécessite plus d’encadrement, nécessite également un grand nombre d’encadrement. Et ça c’est des moyens que l’Etat doit mettre en œuvre pour permettre de faciliter la prise en charge et optimiser la formation« .

Néanmoins, ont reconnu ces syndicalistes, il arrive chaque année que l’Etat respecte au moins un point. Par exemple, lorsque le gouvernement a signé un accord portant sur la correction du système de rémunération, les enseignants s’étaient accordés sur quelques modalités. Le gouvernement a évidement respecté les modalités mais, sur un autre plan, précise M. Youm, « ils ont crée des injustices, au point que la solution qu’ils ont apportée devient maintenant une source de revendication« .

Alors qu’on s’achemine vers une élection présidentielle, prévue le 25 février 2024, les perturbations des enseignements-apprentissages risquent de s’intensifier, si l’on n’y prend pas garde. Pour le secrétaire général du Saems, tout est possible si « l’Etat décide d’ouvrir et de sécuriser l’université. Les étudiants sont prêts et les professeurs aussi. Aussi bien les étudiants que les enseignants ne revendiquent rien d’autres que la reprise des enseignements. Mais c’est le gouvernement qui bloque. Je pense que si leurs enfants étaient dans ces universités, peut être la réaction aurait été différente. La stabilité de l’école ne dépend que d’une seule chose : la matérialisation des accords. Et vous allez constater que bientôt, le gouvernement va commencer ses activités politiques et va reléguer l’école sénégalaise au dernier plan. Et là, il n’y aura plus d’interlocuteurs.« .

Professeur de philosophie et acteur pédagogique, El Hadji Songué Diouf pense que la solution pour une stabilité de l’école sénégalaise se trouve dans l’instauration « des rapports de confiance. Parce que la démocratie implique un jeu de force contradictoire. Mais, même si la démocratie implique un jeu de force contradictoire, il faudrait de part et d’autre être respectueux d’un minimum de critère. Il faut que l’Etat et les syndicats, au lieu de regarder en chien de faillance, culture, développe des rapport de confiance. Et, quand ils comprendront que la centralité est au niveau de l’apprenant, de l’élève, de l’étudiant, et de manière, on aura fait un grand pas pour avoir un espace scolaire apaisée« .

Pour le cas des universités, Fatou Seck Youm est persuadée que « la solution c’est que l’Etat décide de la réouverture et qu’il décide de financer les universités mais également les écoles. Il faut plus d’infrastructures parce que l’on ne peut pas avoir plus de la moitié de la population sénégalaise et ne pas investir dans l’éducation. Le Sénégal a une forte ressource humaine mais l’on ne sait pas comment l’exploiter. Et, la meilleure exploitation de ces ressources humaines est d’orienter la majeure partie du financement de l’Etat au niveau de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur«

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