Assurance santé au Sénégal : Une attractivité grandissante
En effet, institué par décret n°75-895 du 14 août 1975, l’assurance maladie des travailleurs salariés du secteur privé est rendue obligatoire pour toutes les entreprises, qui sont tenues de créer leur propre IPM ou à défaut de s’affilier à une IPM préexistante, à moins qu’elles ne disposent en lieu et place de systèmes de couverture analogue ou offrant des prestations similaires.
Par ailleurs, de plus en plus, apparaissent des systèmes de couverture hybrides, alliant les deux régimes avec la propension de plus en plus affirmée des sociétés d’assurances à offrir des couvertures maladie dites complémentaires IPM, qui apparaissent de plus en plus, comme des extensions de garanties, aux services et prestations de base rendus par les Institutions de Prévoyance Maladie.
Avant de passer en revue ces différents régimes, il convient au préalable de rappeler que l’assurance maladie a pour but d’assurer la prise en charge des dépenses de santé des assurés et de leur garantir l’accès aux soins. Elle favorise la prévention et contribue à la régulation du système de santé au travers de la couverture des risques maladie, maternité, invalidité et décès.
Régime des IPM et des mutuelles de santé
Placées sous la supervision de l’Institution de Coordination de l’Assurance Maladie Obligatoire (ICAMO), les institutions de prévoyance maladie (IPM) dédiées aux travailleurs salariés ont pour mission d’assurer la prise en charge partielle des frais médicaux, pharmaceutiques et d’hospitalisation, engagés au Sénégal par les membres bénéficiaires (travailleurs salariés et leurs familles : conjoints et enfants à charge au sens du régime des prestations familiales).
C’est une branche de la Sécurité sociale, gérée par les Institutions de Prévoyance Maladie (IPM) et offrant aux travailleurs affiliés et ` leurs ayants droit, une prise en charge partielle des frais médicaux, pharmaceutiques et d’hospitalisation engagés par les bénéficiaires.
Cette prise en charge est servie dans une fourchette allant de 50 à 80% des frais engagés.
Le financement de cette branche est assuré par la cotisation paritaire des employeurs et des travailleurs dont le taux est fixé entre 4 et 15% du salaire du travailleur plafonné à 250 000 f CFA.
En fin 2021, note le rapport ARDAMO de décembre 2022, le pays compte 151 IPM agréés dont 82 d’entreprise et 69 interentreprises.
Etendue de la couverture
2 735 entreprises et établissements adhérents ont été dénombrées au niveau des 151 IPM ayant remonté leurs données au titre de l’année 2021, soit une évolution de 348 nouvelles entreprises (14,6%) par rapport aux 2 387 entreprises recensées lors de la remontée de 2020 souligne le rapport ARDAMO.
122 870 participants sont couverts par les 151 IPM ayant remonté leurs données, soit une évolution de 5 454 nouveaux participants (4,69%) par rapport aux 117 416 travailleurs recensés lors de la remontée de 2020 du rapport.
121 679 conjoints sont pris en charge par ces IPM, soit une évolution de 12 053 nouveaux conjoints (11%) par rapport aux 109 626 conjoints recensés lors de la remontée de 2020.
197 892 enfants sont pris en charge par ces IPM, soit une évolution de 8 068 enfants (4,25%), par rapport aux 189 824 enfants recensés lors de la remontée de 2020.
Le cumul de ces catégories couvertes révèle une population totale de 442 441 bénéficiaires soit une évolution de 25 575 nouveaux bénéficiaires (06,13%) par rapport aux 416 866 personnes recensées lors de la remontée de 2020 selon les données de l’ICAMO.
2) Données financières
En 2021, des ressources d’un montant global de 21 956 678 946 F CFA ont été encaissées au titre des cotisations versées dans les caisses des 151 IPM dont les données sont disponibles à l’ICAMO. Parallèlement, en cette même année, des remboursements de frais d’un montant total de 20 548 851 435 F CFA ont été effectués, traduisant une hausse de 3 268 167 020 CFA par rapport aux 17 280 684 415 F CFA relevant de l’exercice 2020, soit une croissance de 18,9%.
3) Répartition des prestations servies
Sur le plan de la répartition des dépenses de soins par spécialité ou par acte, on note par ordre décroissant des frais pharmaceutiques (6 440 109 234 FCFA), des frais d’hospitalisation (1 979 773 691 FCFA), des frais d’optique médicale (1 006 320 053 FCFA), des frais de biologie médicale (1 296 166 052 FCFA) et des frais dentaires (921 445 828 FCFA).
4) Diversité des prestations
Ces institutions couvrent 40 % à 80 % des frais et portent sur les catégories listées ci-après :
les consultations de médecine générale et spécialisée,
les examens paramédicaux prescrits sur ordonnance,
les accouchements, césariennes,
l’hospitalisation, y compris la chirurgieles soins dentaires ; les frais médicaux et pharmaceutiques, les frais d’optique.
5) Cas spécifiques des mutuelles de santé
Les travailleurs indépendants peuvent adhérer volontairement à des mutuelles privées de santé. Peuvent également s’affilier les assurés volontaires, les travailleurs agricoles, les étudiants, les personnes en situation de pauvreté bénéficiant d’une Bourse de Sécurité Familiale.
Sont également protégés, les membres de la famille de la personne affiliée : conjoint/e et enfants à charge au sens du régime des prestations familiales.
Ces mutuelles ne prennent en charge que les soins dispensés au niveau des structures de santé publique ou ayant signé une convention.
Les prestations dispensées dans des structures publiques et les médicaments génériques peuvent être couverts à 80 % par les mutuelles (50 % dans les pharmacies privées) moyennant une contribution par adhérent plafonnée à 60 000 FCFA et supportée paritairement par l’Etat et le bénéficiaire.
L’Assurance Maladie
Elle a pour objet la couverture des conséquences financières de la dégradation de l’état de la santé des assurés, résultant d’une maladie ou d’une atteinte physique corporelle de toutes natures, dans la limite des garanties prédéfinies au contrat.
Elle est pratiquée par 18 compagnies d’assurances IARD sur les 19 que compte le pays.
Etendue de la couverture
Elle offre des garanties analogues à celles octroyées par les IPM, mais s’en différencie considérablement par l’étendue des couvertures offertes, le niveau des plafonds annuels de garanties et l’étendue de la zone géographique de couverture.
A titre illustratif, comparativement à l’IPM, l’assurance maladie affiche par catégorie d’acte des plafonds de couverture qui passent du simple au quadruple.
Par ailleurs, l’assurance Maladie garantit pour chaque bénéficiaire, un plafond annuel de couverture difficilement épuisable, d’où sa très attractivité, malgré le caractère mitigé du rapport coût/avantage, qui transparaît dans l’échelle des tarifs applicables.
Modalités de la souscription
Les bénéficiaires de la couverture octroyée sont l’adhérent, son conjoint et les enfants à charge âgés de moins de 24 ans, étant entendu que l’âge limite des enfants est relevé dans le cas spécifique des étudiants.
La couverture est octroyée pour une durée maximale de 60 ou 65 ans selon le contrat et deux catégories de primes servent de base à la détermination du coût global à payer, la prime adulte et la prime enfant.
Nature des prestations servies
Les prestations de services fournies par les assureurs maladie sont réalisées selon trois options alternatives : le remboursement de frais, assorti de la délivrance de lettres de garantie, le tiers-payant ordinaire et le tiers payant général.
Le régime de remboursement de frais : il s’agit d’un régime hybride, caractérisé d’une part, par l’absence d’avance de fonds pour les dépenses de faible montant (consultations, pharmacies, etc.), qui sont préfinancées à 100% par les bénéficiaires et d’autre part, pour les dépenses réputées très coûteuses (hospitalisation, maternité, scanner, etc.) la délivrance de lettres de garanties donnant droit à l’accès aux soins, à hauteur du taux de couverture contractuel ; l’assuré se limitant à supporter le ticket modérateur (i.e. la part de couverture à sa charge).
Le régime de Tiers Payant Général (TPG) : au titre de cette option, les cartes de santé qui sont délivrées aux bénéficiaires couverts, permettent d’accéder sans bourse déliée, à toutes les prestations de santé, couvertes par le contrat et offertes à travers un réseau de soins constitué d’une gamme diversifiée de prestataires médicaux, à savoir : pharmaciens, médecins omnipraticiens, spécialistes, cliniques, hôpitaux, laboratoires, opticiens, radiologues, etc.
Il s’agit d’un régime très attractif donnant droit à une prise en charge intégrale à 100 %, étant entendu que le ticket modérateur préfinancé par l’assureur, fera l’objet d’une demande de remboursement, à l’initiative de ce dernier, dès réception des factures des prestataires.
Le régime de Tiers Payant Ordinaire (TPO) : A la différence du TPG, le bénéficiaire du Tiers Payant Ordinaire est tenu, préalablement à l’accès aux soins, de libérer entre les mains du prestataire médical, une somme correspondant au ticket modérateur contractuel. A cet égard, les prestations fournies au sein du réseau de soins, réputées éligibles au remboursement de la part des assureurs, sont celles calibrées à hauteur du taux contractuel couvert par la police maladie souscrite.
Poids de l’assurance
En 2022, avec un taux de croissance de près de 20%, l’assurance maladie occupe la 1ère place du marché IARD, pour avoir engrangé un chiffre d’affaires de 43,889 milliards FCFA soit 27,1% de la souscription de la branche Dommages, contre 36,718 milliards FCFA l’année dernière, correspondant à 24,9% de part de marché.
Toujours dans cette même année 2022, la branche maladie a été dominée par AXA Assurances qui a affiché un Chiffre d’affaires de 7,332 milliards FCFA, loin devant NSIA IARD 5,869 milliards FCFA qui devance AMSA (3ème avec 4,656 milliards FCFA), ASKIA (4ème avec 4,302 milliards FCFA), SONAM (5ème avec 4,015 milliards FCFA) et la PA (6ème avec 3,817 milliards). Ces six champions se positionnent loin devant les 12 autres compagnies qui exploitent ce créneau, jugé peu rentable.
En effet, en raison du taux de sinistralité extrêmement élevé caractérisant ladite branche, le résultat technique réalisé n’ouvre pas droit à des bénéfices conséquents, ni d’ailleurs ne saurait être cause de pertes difficilement supportables, du fait de l’insertion systématique dans les polices d’assurance maladie, d’une clause d’ajustement en préservant l’équilibre technique. C’est d’ailleurs, pour cette raison, que l’assurance maladie est considérée comme une activité de gestion de fonds que l’assureur mène pour compte de son client pour d’une part, mettre à profit son professionnalisme et d’autre part, pour susciter la souscription d’autres garanties afin de fertiliser son portefeuille. D’où l’appellation de produit d’appel, attribué à tort ou à raison, à l’assurance maladie.
Par ailleurs, un autre avantage et non des moindres, c’est la possibilité de mise à profit des primes maladies, somme toute substantielles, pour effectuer des placements importants, générateurs de produits financiers conséquents et parallèlement utiliser les flux récurrents de primes, issues de l’assurance auto et des risques de masse, comme volant de trésorerie, pour faire face aux paiements des petits et moyens sinistres répétitifs.
Analyse comparative IPM et Assurance Maladie Privée offerte par les compagnies d’assurances.
Sur le plan du montant du coût de la couverture
La cotisation IPM est fixée dans une fourchette variant de 4% à 15% avec un plafond limite de 250 000 FCFA payable par l’adhérent une fois par an. En contrepartie de ladite contribution unique, la couverture est acquise tant pour l’adhérent, que pour son conjoint et ses enfants à charge.
En revanche, s’agissant de l’assurance privée maladie dont la gestion est dévolue aux compagnies d’assurances, des montants prédéfinis de cotisations appelées primes doivent être payées pas seulement par l’adhérent comme c’est le cas pour l’IPM, mais par chacune des personnes relevant de l’adhérent (conjoints et enfants) ; pour cette raison, l’assurance privée gérée par les assureurs, coûte beaucoup plus chère que l’offre de couverture des IPM
Sur le plan de l’étendue de la couverture
En effet, tant au niveau de la nomenclature des actes, qu’à celui des tarifs de soins, transparaissent des écarts considérables, qui dans une certaine mesure, paraissent favorables aux IPM, ou tout au moins, profitent davantage aux populations vulnérables.
En guise d’exemple, si nous considérons le tarif applicable pour une consultation auprès d’un médecin spécialiste qui est 9400 FCFA pour l’IPM, alors que ce même acte vaut 20 000 FCFA sur base tarif applicable à l’assurance maladie privée, le tableau 1, ci-dessous donne une idée de la somme que chacun des bénéficiaires, couvert à hauteur de 80%, devra supporter.
Il apparaît manifestement dans ce cas de figure, que les débours à la charge l’adhérent à l’IPM sont moindres que ceux supportés par l’assuré couvert auprès de l’assurance.
Toutefois, dans la plupart des cas de figure, les écarts entre plafonds de couverture sont favorables à l’assurance maladie privée (Cf. tableau 2 ci-dessous), par exemple, dans l’hypothèse d’un accouchement portant 1 000 000 de frais réels, alors que généralement, les plafonds maxima de couverture en accouchement sont de 200 000 FCFA pour l’IPM et de 1000 000 FCFA pour l’assurance.
Il apparaît dans cette seconde hypothèse que le bénéficiaire de la couverture IPM, en raison du montant qui sera mis à sa charge, se résoudra à choisir un standing de couverture moindre que celui dont pourrait bénéficier le tenant de l’IPM.
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