DISCOURS A L’ONU : Le président Damiba du Faso sera-t-il entendu ?
Contrairement au Premier ministre malien qui a voulu marquer les esprits avec un discours ferme et volontaire sur le fond, enflammé et provocateur sur la forme, le président du Faso, Paul- Henri Sandaogo Damiba, n’a pas choisi le ton de la pugnacité pour présenter, à l’hémicycle des Nations unies, la situation peu enviable de son pays et demander de l’aide urgente afin de stopper l’inexorable descente aux enfers. Le lieutenant-colonel, qui a arboré pour l’occasion un costume bleu nuit avec chemise blanche et cravate d’un bleu ciel, s’est présenté à la tribune comme un apôtre de la sincérité, espérant se faire adouber par une communauté internationale généralement très critique vis-à-vis des régimes issus de coup d’Etat comme le sien. Tout au long de son discours, il a pris le soin de ne jamais se démarquer du diplomatiquement correct, en reconnaissant s’être emparé illégalement du pouvoir en janvier dernier pour mettre fin à la dérive sécuritaire alors en cours dans le pays. Huit mois après, force est de reconnaitre que la situation s’est davantage dégradée pour de multiples raisons, dont la plus importante, aux yeux du président de la Transition, est le manque de moyens pour lutter contre les forces obscurantistes. En se rendant à New-York avec une délégation hors norme pour sa première sortie aux Nations unies, Paul-Henri Sandaogo Damiba espérait sans doute trouver le créneau idéal pour mobiliser la communauté internationale autour du péril terroriste pour sauver le Burkina, la sous-région ouest-africaine et même l’Europe d’une possible invasion djihadiste.
L’intention est bonne, la formule est belle
En brandissant le risque de déflagration générale devant des interlocuteurs qui ne lésinent pas généralement sur les moyens quand il s’agit de leur sécurité et de celle du monde, le président Damiba pense certainement avoir toqué à la bonne porte, et espère trouver bientôt un début de solution à cette crise dans laquelle le Burkina est englué depuis plusieurs années. Il semble que des rencontres tous azimuts auraient eu lieu dans des salons feutrés à New-York, entre la très forte délégation burkinabè et des pays potentiellement prêts à apporter leur aide et assistance dans la lutte contre des groupes armés de plus en plus offensifs et conquérants, mais il n’y a pas, pour le moment, de quoi pavoiser, d’autant qu’on ne connait ni la nature de ces aides, ni les conditionnalités qui y seront attachées. On sait en revanche que le président burkinabè a puisé dans le champ lexical bien connu de son prédécesseur Thomas Sankara, pour prévenir les partenaires de l’inutilité, voire de la nuisibilité de toute aide qui ne permettrait pas au Burkina Faso de sortir de son statut d’éternel assisté, pour devenir un pays capable de prendre lui-même son destin en main. L’intention est bonne, la formule est belle, mais il n’est pas sûr que ses interlocuteurs l’entendent de cette oreille et accordent au Burkina Faso cette « aide qui tue l’aide », surtout quand on connait leur propension à maintenir les pays africains dans les liens de la dépendance, pour ne pas dire de la vassalité. Thomas Sankara, et bien d’autres avant Damiba, en avaient fait leur credo, mais ils n’ont jamais été suivis dans leurs ‘’délires’’ par des donateurs qui s’attendent toujours à des retours sur investissements, et qui doutent de la capacité des dirigeants africains à gérer de manière orthodoxe, les aides qu’ils reçoivent dans le cadre du développement de leurs pays respectifs. Le président burkinabè, qui est apparemment bien coaché, sait qu’il en est ainsi depuis la nuit des temps, et il n’a fait que tenir un discours de circonstance à l’ONU, son objectif principal étant d’obtenir de l’assistance financière pour combler le déficit budgétaire de 4,6 milliards de dollars afin de faire non seulement face aux défis sécuritaires, mais aussi aux autres charges qui sont tout aussi importantes pour la paix sociale et la stabilité du régime. Mais sera-t-il entendu ? On attend de voir.
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