Talatey NDER
Il y a 202 ans , le mardi 7 mars 1820, l’ancien royaume du Walo vécut l’un des épisodes les plus tragiques de son histoire avec le sacrifice des femmes de Nder ,qui eurent préféré se brûler vives que de devenir captives.
Loin d’être une légende ,cette tragédie est une réalité historique bien documentée aussi bien par des sources écrites qu’orales.
On ne peut raconter l’histoire de la tragédie de « Talatay nder » sans relater un épisode tragique de l’histoire française celle du naufrage du « radeau de la Méduse ».
Nombreuses sont les personnes qui apprécient le magnifique et terrible tableau de Géricault qui se trouve actuellement au musée du Louvre à Paris connu sous le nom du “Radeau de la Méduse”. Beaucoup plus rares sont celles qui sont capables de localiser, de dater l’événement et de le relier à l’épisode tragique des femmes de Nder.
Apres la defaite des armées napoléoniennes face aux Britanniques , un traité de paix dit de Vienne fut signé entre la France et l’Angleterre comportait une clause qui stipulait la rétrocession des possessions françaises au Sénégal. L’Angleterre acceptait de remettre le comptoir de Saint louis (qu’elle occupait de 1809 à 1817) aux français à la condition qu’ils abolissent la traite négriére.
Afin de prendre le contrôle de la colonie du Sénégal ,la France envoya une expédition navale le 17 juin 1816 composée de la corvette “l’Echo”, de la flûte “la Loire” et du brick “l’Argus” et de “La Méduse” ayant à son bord plus de 400 passagers appareilla sous les ordres du commandant Hugues Duroy de Chaumaray, avec à son bord le futur gouverneur du Sénégal, le colonel Julien Désiré Schmaltz accompagné de sa femme de leur fille, de scientifiques, de soldats et de colons.
L’inexpérience de l’équipage, provoqua l’échouage de la Méduse sur le banc d’Arguin sur la côte nord mauritanienne.
Le colonel Julien Désiré Schmaltz après moult péripéties avait réussi à gagner à pied le comptoir de Saint-Louis , ou il prit ses fonctions de gouverneur du Sénégal. La mission que le Ministre des Colonies, le Baron Portal avait assignée au gouverneur Schmaltz était de créer une colonie agricole au Walo..
Le gouverneur Schmaltz, chargé d’appliquer cette politique essaya d’abord en vain d’acquérir des terres au Fouta et au Cap vert finalement, il porta son choix sur le royaume du Walo pour ses projets de colonisation agricole. Dans une lettre adressée au Ministre des Colonies, le 4 septembre 1819 le gouverneur Schmaltz disait ceci « J’ai toujours soigneusement observé les pays que j’ai parcourus et je n’ai pas vu de plus beau, de plus propre à de grandes entreprises que le Sénégal. Les bords du Gange ne m’ont point paru plus fertiles que ceux de notre Fleuve et je n’ai le moindre doute d’y réussir les cultures qu’on y voudra . »
C’était le début de la révolution industrielle en Angleterre, la machine était en train de remplacer la force de travail humaine ou animale. L’Angleterre puissance dominante préconisait l’abolition de la traite négriére afin de trouver des débouchés pour ses machines.
Dans un rapport daté le 5 juin 1819 adressé au Ministre, Secrétaire d’Etat du Département de la Marine et des Colonies, le gouverneur Schmaltz relatait les péripéties pour l’acquisition de terres au Walo:
« Arrivé au village de Nguio (Ndiao) ,je rencontrais le brack et les principaux chefs du pays de Wallo qui s’y étaient réunis pour l’entrevue que je leur avais demandée. Sur la première ouverture que je lis des vœux du Gouvernement au boukanigue Giourbel, ou premier Ministre, le brack me fit prier de remettre au surlendemain la conférence que nous devions avoir ensemble, vu que l’importance des matières qui allaient être traitées lui faisait regarder comme indispensable d’y appeler un plus grand nombre de chefs et quelques habitants les plus notables du pays.
« Le 7 mai, le brack, les chefs et beaucoup des principaux habitants de Wallo se rendirent à bord de l’Isère. Je ne tardais pas à m’apercevoir en conférant avec eux que, d’après les dispositions que j’ai expliquées plus haut, je pouvais aborder franchement la question de céder leur territoire au roi de France en toute propriété et pour toujours. Je leur présentais en conséquence qu’ils avaient été autrefois les plus puissants des peuples riverains du fleuve; que leur chute avait commencé par des mésintelligences avec un commandant anglais qui avait excité contre eux les Trarzas dont les pillages avaient détruit leur pays ».
Après deux jours de négociation , au soir du 8 Mai 1819 , à bord du navire l’Isère ancrée sur le fleuve Sénégal en face du village de Ndiao, au nom du roi de France Louis XVII ,le Colonel Schmaltz accompagné de messieurs Courtois, sous-directeur du génie; Courau, officier attaché à l’Etat-Major; Grandin, ingénieur des Mines; Morénas, agriculteur botaniste; Richard, jardinier pépiniériste; Catel, chirurgien major; Huzard, vétérinaire; Rouzée, interprète de langue arabe ; Rougemont, économe du Domaine particulier du roi ; Bacle, naturaliste, et- de divers habitants de Saint-Louis signa avec le roi du Walo ,le Brack Amar Fatim Borso Mbodj dit Amar Boye et les principaux chefs du pays : le Diawdine Madiaw Xor Aram Bakar Diaw, le Béthio Sakoura Diop, le Maalo Ndiack Ndongo Diaw , le Diogomaye Ndiack Aram Kélar Diaw , le Marosso Fara Khoury Sayodo Mbodj , le Mangass Boubacar Daaro Mbodj,le Beurty Yérim Salma Mbodj, le Diombabakh Mangoné Boly Mbodj ,le Beuk Negg Ndiourbel Birame Coura Diagne et d’autres Chefs du Walo le traité dit Traité de Ndiao.
Ce traité devait permettre à la France, non pas d’acheter des terres mais d’avoir l’autorisation de créer des établissements de culture et de construire des forts militaires moyennant une redevance annuelle de 11 715 ,70 francs. Aux environs de Dagana, les français construisirent l’habitation royale de Koilel qui devait tenir lieu de ferme modèle. Sur les bords de la rivière Taouey, ils créèrent le centre d’essai de Richard-Toll (du nom du pépiniériste. Richard qui y créa, avec l’aide du gouverneur Roger, un centre d’horticulture), Toll voulant dire jardin en Wolof. Deux autres centres furent installés à Faf et à Lampsar .
Hostilité et Réaction des peuples voisins à la colonisation agricole du Walo
Cette alliance économique et militaire entre les royaumes du Walo et de la France entraîna des réactions hostiles de tous les royaumes voisins dont le Fouta et l’Emirat du Trarza.
En ce début du XIX éme siècle, le Fouta était secoué par une grande instabilité institutionnelle ; après un cinquième règne l’Almamy Youssou Ly fut destitué et s’ensuivi une vacance de pouvoir à la tête du pays de plusieurs mois ce qui provoqua une vive tension entre la province du Toro et le reste du Fouta.
Le Gouverneur Schmaltz escomptait sur une éventuelle sécession du Toro vis-à-vis du Fouta pour réduire toute menace orientale à son alliance avec le Walo et à ses projets agricoles .
Ensuite, Birame Ibra Wane fut élu une seconde fois Almamy et il régna de septembre 1819 à Juillet 1821, période coïncidant avec les évènements de Talatay Nder.
Afin de renforcer son nouveau pouvoir sur ses provinces occidentales du Toro, l’Almamy du Fouta Birame Ibra Wane déclara que la construction d’un fort militaire au village de Dagana serait un casus belli. De cette place forte de Dagana, les Français avaient la possibilité d’attaquer le Fouta. L’Almamy envoya une correspondance au Brack lui demandant de rompre le Traité avec les infidèles français sous peine de lui déclarer la guerre et lui rappelant que le village de Dagana était une possession du Fouta depuis le règne de l’Almamy Abdou Khadr Kane .
Devant le refus du Brack ,l’Almamy Birame Ibra Wane s’allia avec l’Emir du Trarza Amar-Ould-Mokhtar et en juillet 1819 , leurs armées réunies traversèrent le fleuve pour envahir le Walo.
Le Brack Amar Fatim Borso Mbodj mobilisa son armée à la tête de laquelle, il nomma le Prince héritier le Briok Yérim Mbagnick Tégue Rélla qui marcha à leur rencontre et infligea une lourde défaite aux coalisés à la bataille du village de Téméye situé entre Thiago et Ndombo .
Deux mois après, le 21 Septembre 1819, les troupes défaites de l’Emir du Trarza Amar Ould Moctar qui étaient campées à sur la rive droite à à Tokochcoumba, avec la complicité du mulâtre saint-louisien Pellegrin attaquèrent par surprise le village de Thiaggar (à quelques kilomètres de Rosso) ou le Brack Amar Fatim Borso MBODJE tenait un conseil du trône.
Yoro Boly Dyao dans ses cahiers relate en ces termes cette attaque appelée en wolof « Mbettoum Thiaggar », Ahmar Ould-El-Mokhtar, surprit et détruisit le camp de N’tiaggar, «Le Brack eut les deux cuisses « traversées par une balle et fut embarqué dans une « petite embarcation de commerce pour aller se faire « panser à Saint-Louis par les médecins français. Le « Diaoudine Ma-Diao-Khohre,le père de mon père « Fara-Peinda, eut le mollet brisé. ». Après une héroïque résistance, ses guerriers, captifs et autres, le ramenèrent à sa résidence de N’Diao, fortifiée d’une tata imprenable pour des indigènes. De nombreux chefs et guerriers furent tués ou blessés. Au nombre des chefs tués, se trouvaient le Malo N’Diack-N’Dongo, le Mangass Boubakar-Dahro, le Beur-Ti Yérim Shelma
Plusieurs habitants du village au nombre de 26 furent tués et bien d’autres amenés en captivité au Trarza,
Lorsque le Brack fut évacué à Saint-Louis pour se soigner auprès des chirurgiens français, son épouse la Linguére Fatim Yamar Khouriyaye MBODJ chef de la maison Tédieck, prit en charge les rênes du royaume. Elle signa le 15 novembre 1819 un traité d’alliance militaire avec le Prince Trarza dissident Mouhammed ould Ali El Kawri afin de combattre l’Emir usurpateur Amar Ould Mokhtar.
Le Gouverneur français Schmaltz qui fut choisi comme témoin, et garant du traité, garda dans les archives françaises le traité dont voici quelques extraits :
……Hamdoul Koury, fils d’Aly Koury, héritier légitime de la couronne des Trarzas, etd’Aly Koury, héritier légitime de la couronne des Trarzas, d’une part.
Et les chefs du pays de Walo ci-après nommés, Fatim Iamor ( Fatim Yamar) Aho femme de Brack, Irim Bagim( Yérim Mbagnick Tégue ) Briock, prince héréditaire, Maghiao Kor, N’ghioudin, (Madiaw Khor Diawdine) chef militaire du Royaume, Nghiakghiao-Ghiaomaï, (Ndiack Diaw Diogomaye) prince du pays.
Tous stipulant en l’absence de Brack dont ils s’obligent à rapporter la ratification, d’autre part ; désirant se donner un témoignage réciproque de l’amitié qui existe entre Hamdoul Koury et le pays de Walo et finir par un traité d’alliance pour agir en commun dans la guerre qu’ils ont jusqu’à présent soutenue séparément contre les Trarzas, commandés par Amet Moctar, désirant aussi fixer, dès à présent, et pour le temps où Amdoul Koury et ses successeurs seront sur le trône des Trarzas les relations qui doivent exister entre le pays des Trarzas et le royaume de Walo ; ont fait entre eux les conventions suivantes :
Article 1er. Les deux parties contractantes réuniront leurs efforts dans la guerre qu’ils ont à soutenir contre Amet Moctar, ils se donneront réciproquement tous les secours dont ils pourront disposer.
Art. 2. Hamdoul Koury reconnaît que les Trarzas n’ont aucun droit à exercer sur le pays de Walo, ni sur aucune partie de la rive gauche du fleuve : il renonce pour lui et ses successeurs à en exiger jamais aucun tribut, aucune coutume, à aucun titre que ce soit, il s’engage à empêcher qu’aucun de ses sujets ou tributaires y fassent des pillages et y commettent des désordres ..
Pour rappel, à la fin du XVIII éme siècle, l’Emir Ali El Kawri en mourant, avait laissé un enfant en bas âge Mouhammed Ould Ali, qui était très jeune pour être élevé à la dignité émirale qui fut confiée au chef de la branche cadette, le Prince Amar Ould Mokhtar Ould Cherqi Ould Ali Chandora qui prit en main la régence.
Le régent Amar Ould Mokhtar prit goût au pouvoir, et quelques années plus tard en 1805, refusa de le restituer à l’héritier légitime, devenu majeur. Celui-ci entreprit de le reconquérir, par les armes et ce fut le signal des luttes qui devaient durer vingt ans (de 1805 environ à 1827 et qui se terminèrent en 1827, par la mort de Mouhammed ben Ali Kouri.
Fort de la nouvelle alliance militaire avec la France, et avec une fraction dissidente du Trarza, le Walo refusa d’honorer la coutume annuelle de 100 bœufs qu’il payait à l’Emirat maure du Trarza affaibli, par la guerre civile.
Quand à la situation intérieure du Walo , après plusieurs décennies de guerre civile à la fin du 18éme siècle , les maisons royales Tédieck et Dyoss s’unirent au détriment des Loggar ,pour exercer un gouvernement collégial à la tête du royaume , mais cette coalition demeurait très fragile, tant était grande la rivalité entre ces familles .
En 1806, à la mort du Brack Tédieck Kouly Mbaaba Diop, la Linguére Fatim Yamar Khouriyaye, chef de la famille princière matrilinéaire Tédieck consentit à partager le pouvoir avec la famille rivale des Dyoss en offrant sa main au prétendant de cette branche le Prince Amar Fatim Borso MBODJ qui devint ainsi le 48e Brack du Walo.
Des liens matrimoniaux se formèrent pour renforcer cette alliance. Le Prince Fara Peinda Adam Sall Mbodj de la branche cadette Tédieck Niass Yatma fut nommé Kaddj (1er vice-Brack) et épousa la princesse dyoss Codou Samba Mbodj fille de Ndickou Fatim Borso Mbodj grande soeur du Brack Amar Fatim Borso.
Le Prince Tédieck Yerim Mbagnick Tégue Rella Mbodj fils de la linguere Tégue Rella Khouriyaye Mbodj grande sœur de la Linguére Fatim Yamar Khouriyaye fut nommé Briock (2éme vice-Brack).
Le Prince Dyoss Kheurfi Khaary Daaro Mbodj neveu du Brack Amar Fatim Borso nommé aussi Briock complétait ce gouvernement collégial.
Face à l’épreuve de la menace exterieure l’unité à la tête du royaume ne tarda pas à se fissurer.
Le Brack Amar Fatim Borso parti se soigner à Saint Louis était accompagné de la majorité, des princes et guerriers dyoss
La branche des Loggar étant écartée du pouvoir adoptait une position de neutralité, la Linguére Tédieck Fatim Yamar était isolée exerçant seule le pouvoir avec son neveu le fils de sa sœur Tégue Rella le Briock Yerm Mbagnick Tégue Rélla, ignorant le Kaddj Fara Peinda Adam Sall Mbodj qui bien que tédieck comme elle était de la branche cadette Niasse Yatma .
La tragédie de Talatay Nder et la Riposte militaire du Walo
C’est face à ce pouvoir isolé, avec la démobilisation de la majeure partie des kangams blessés ou démotivés par l’accaparement du pouvoir par les tédiecks de la branche Aissa Naléw qu’ a eu lieu le Mardi 7 mars 1820 la tragédie de Nder.
L’Emir du Trarza Amar Ould Mokhtar traversa le fleuve au niveau du village fortifié de Thiaggar, ancien verrou militaire de Nder et engagea le combat près de la rivière Nathie avec les troupes du Briock Yérim Mbagnick qui furent rapidement submergées, laissant la voie libre pour la prise de la capitale Nder.
La Linguére Fatim Yamar Khouriyaye avertie de la défaite de son neveu s’habilla en tenue de guerre et prit les armes, suivie de la garde royale dirigée par son aide de camp le M’béye-M’boyo et les femmes de la cour dirigée par la Ndoukane .
Les assaillants furent d’abord repoussés, mais en entendant les youyou de victoires, ils revinrent à l’assaut en découvrant que leurs ennemis étaient dirigés par une femme.
La capitale Nder fut encerclée, la Linguére Fatim Yamar Khouriyaye réussit à évacuer à Ronkh, ses deux jeunes filles les futures Linguéres Ndjeumbeut et Ndaté Yalla chez leur tante paternelle Ndickou Fatim Borso .
Conseillée par deux membres de sa suite, Mbarka Demba Laobé Boh Ndiaye et Seydané la Linguère déclara Bess bi niaaw na té khédiouma thi Gathié .Elle fit saupoudrer la case royale de poudre et y mit le feu .Au milieu des hymnes de la famille tédieck chantés jadis par les Ganghores, elle préféra se brûler vive avec sa cour que d’être captive et outragée.
Yoro Boly DIAW dans ses célèbres cahiers relate cette tragédie en ces termes :
……en l’absence du Brack toujours à Saint-Louis, les Trarzas détruisirent N’der, la capitale du Oualo, sous la conduite d’Ahmar- Ould-El-Mokhtar, avec l’aide de leurs alliés les Toucouleurs de l’Almamy. Beaucoup de guerriers furent tués par les vainqueurs. A la honte de tomber aux mains des Maures et des Toucouleurs, un grand nombre des femmes de la Linguère-Aouo Fahty-Yamar préférèrent se brûler vives dans une grande case, sur la proposition de l’une d’elles, M’Barka, favorite de la princesse …..
La capitale royale Nder fut pillée et brulée, l’assemblée des Seb Ak Baor confia la régence au Briock Yérim Mbagnick Tégue Rella, qui fut digne de ses nouvelles fonctions, il rassembla les débris de l’armée du Walo défaite à Nder et à Thiaggar et fit une levée en masse dans tout le royaume. La nouvelle armée fut réunie à Dagana et le Gouverneur Schmaltz leur fournit beaucoup d’armes et de munitions et le Briock entreprit de porter la guerre sur la rive droite en pays Trarza, afin de forcer les maures à quitter le Walo.
Deux colonnes se formèrent, l’une traversa le fleuve à hauteur de Ronkh, l’autre à Dagana.
Le Briock attaqua les Trarza au lieu-dit Brékhat au nord de Dagana et leur enleva un camp, huit jours après, il battit les Trarza et les brakna réunis dans l’ile de Bakhla, devant Bokhol, et leur tua plus de cent cinquante hommes; il les bat de nouveau à N’dour, sur la rive droite au-dessus de Dara; vingt jours plus tard, il les attaqua encore à Bourtréfié, environ à 15 km sur la rive droite en face de Richard-Tol .
Renforcé des volontaires venant de Saint-Louis conduits par Biram-Toute et Mambaye Ngoné, le Briock Yérim Mbagnick acheva de disperser l’armée des Trarza, aux puits de Bouchefle .
Le Briock triomphant, revint au Walo avec un immense butin dont Yoro Boly Diaw relate l’importance en ces termes « Mon père Fara Peinda, âgé en ce moment de 7 ou 8 ans, m’a dit qu’il n’avait jamais vu ni entendu dans aucune tradition un aussi considérable butin que celui ramené dans le Oualo du pays des Trarzas par Yérim Mbagniéck. »
Apres un bref séjour de repos au Walo avec ses guerriers , Yérim Mbagnick reprit les hostilités épaulé par le Diawdine Madiaw Khor Aram Bakar Diaw remis de ses blessures , le Béthio Sakoura Diop et les troupes maures alliées de Mohamed Ould Kawri , il traversa le fleuve Sénégal à Breune et battit les troupes maures de Amar Ould Moctar à Ouara Ouar qui se réfugia dans l’Adrar laissant sur le terrain plus de 200 morts dont le grand chef de guerre Ely-Khamlech, tué par le Béthio Sakoura Diop de sa propre main ainsi que le fils de l’Emir Birahim Ouali .
Ayant capturé le Makhchare (tente royale) de l’Emir, le Briock par vengeance coupa les oreilles comme trophée de guerre de toutes les princesses maures dont l’épouse de l’Emir, Mrasse. Il délivra des centaines d’habitants de Ndér faits prisonniers.
Apres cette défaite, l’Almamy Birame Wane réunit à M’boumba une grande coalition armée avec les émirs du Brakna et du Traza , il envoya encore un ultimatum au Brack Amar Fatim Borso .
Laissons à Yoro Boly Diaw, le soin de narrer la suite des évènements « Apres cette défaite l’Almamy et le roi des Trarzas levèrent une nouvelle armée qui se réunit à M’boumba. Le Kaddj Yérim Mbagnick Tegue Rella Mbodj secondé par le Diawdine Madiaw Xor Aram Bakar Diaw se préparèrent à la défense et battirent les coalisés à Dialaoualy, le jour même de leur entrée dans le Oualo. En moins d’une heure, 600 Ouoloffs, renforcés de 150 Maures au maximum, mirent en pleine déroute cette grande armée Maure et Toucouleur évaluée à 11.000 hommes. Elle laissa le champ de bataille « pavé de morts » et fut poursuivie avec acharnement jusqu’à Fanaye. Les Ouoloffs établirent leur camp et demeurèrent dix jours sans être inquiétés ni par le Lam-Toro Samba-Déthié Sall, le chef des vaincus, ni par l’Almamy Birame qui l’avait chargé de cette guerre. Yérim-M’Bagniek rentra glorieusement à Dagana où la population le salua. ……. Un autre hymne du Walo vit le jour « Dialawaly Faye Nder ba Ndaam li dess Walo ».
Il y a aussi une autre version de la bataille de Dialawaly relaté par l’historien Amadou Wade cette fois ci relatée par l’historien traditionnaliste Amadou Wade dans les chroniques du Walo sénégalais « ….Le Brack, avant d’accepter le combat, envoya une délégation auprès de l’Almâmy, pour l’inviter à un arrangement à l’amiable, que refusa le marabout. Cette délégation, composée de deux notables, Ma Mbody Fanta et Paatê Wad, insista longuement auprès de I’Almâmy Birame, en lui faisant connaitre que l‘issue de Ia bataille serait fatale pour les guerriers du Fouta, que le Brak était disposé à verser entre les mains du marabout une somme d’argent qu’il plairait à ce dernier de fixer. L’Almâmy refusa ces propositions et persista dans sa décision : ou convertir le Brak Faatim Borso, ou le combattre.
Au retour de la délégation, le Brak appela à Dagana le Kady Fara Penda Adam Sal, le Briyot Yêrim Mbanyik Têg-Rel et Khêrfi Khari Daaro, il les mit au courant de son intention de rencontrer le marabout. Yêrim Mbanyik Têg-Rel demanda au Brak de lui laisser, seul, la conduite des opérations. Le Brak ayant consenti, la rencontre eut lieu à Dyalowali, d’où les Toucouleurs, battus, s’enfuirent.
Pendant cette retraite, le cheval monté par l’Almâmi Biram tomba dans un fossé (pakh) avec son cavalier. Mo Mbody Fanta, arrivant juste à ce moment, vit l’Almâmi et sa monture dans le fossé. Il descendit aussitôt de son cheval, qu’il remit à I’Almâmi, en lui conseillant de s’enfuir le plus rapidement possible.
Quelques instants après, arrivaient les guerriers du Brak. Mö Mbody leur donna l’ordre de faire sortir du trou le cheval de l’Almâmi, qu’il monta pour retourner à Dagana.
L’Almâmi Biram, rentré au Fouta, renvoya à Mö Mbody le cheval que ce dernier avait, si noblement, mis à sa disposition et, en même temps, lui fit don d’un autre cheval, d’un captif et d’une esclave.
Devant cet état de guerre généralisé autour du fleuve Sénégal, le Ministre, Secrétaire d’Etat du Département de la Marine et des Colonies, le 3 juillet 1820, rappela en France le Gouverneur Schmaltz, pour le remplacer par le Capitaine de Vaisseau le Baron Le Coupé, qui avait pour mission de pacifier les relations entre la France et les peuples voisins moyennant des redevances payées à leurs suzerains.
Le Coupé changea complètement d’alliance, il signa le 7 juin 1821 un nouveau traité avec l’Emir du Trarza Amar Ould Mokhtar, lâchant ainsi le prétendant Mohamed Ould Kawri et les chefs du Walo. Cette trahison de la France aura de graves conséquences une dizaine d’années plus tard.
Réconciliation des peuples du Trarza, du Fouta et du Walo.
Apres l’échec de la colonisation agricole française, vers 1830, une guerre civile secoua le Walo opposant le Brack Fara Peinda Adam Sall Mbodj au prétendant Dyoss Khérfi Khary Daro Mbodj. Et les troupes de l’Emir du Trarza Mohamed El Habib Ould Amar Ould Mokhtar en profitèrent pour envahir le royaume du Walo et y mener des activités de rapines et de dévastations.
Pour sauver son peuple de l’anéantissement, la Linguére Ndieumbeutt fille de la martyre Linguére Fatim Yamar Khouriyaye offrit sa main à l’Emir du Trarza Mohamed El Habib fils de l’Emir Amar Ould Mokhtar qui avait détruit Nder.
Le mariage fut célébré en grande pompe à Dagana le 18 juin 1833. Ce qui provoqua l’ire du Gouverneur Français du Comptoir de Saint-Louis Mr Quernel, qui ne voulait en aucune façon que les deux rives du fleuve Sénégal soient sous le contrôle par la nouvelle alliance entre le Trarza et le Walo. En représailles les français canonnèrent et incendièrent tous les villages du Walo et la capitale Khouma forçant la Linguére Ndieumbeutt à se réfugier au Cayor auprès de son cousin le Damel Meissa Teinda Dior Fall.
Le 26 janvier 1834, la France n’acceptât de signer un traité de paix avec le Trarza et le Walo qu’à condition qu’un enfant issu de ce mariage ne puisse prétendre au Trône du Walo.
De ce mariage naquit le fils unique de la Linguére Ndieumbeutt, l’Emir Ely Ndieumbeutt Fall ou Ely Ndieumbeutt Ould Mohammed Al-Habib Ould Amar Ould Mokhtar qui fut Emir du Trarza de 1873-1886.
Symbole de la réconciliation entre le Traza et le Walo , l’Emir Ely Ndieumbeutt épousa la Saint-Louisiene Kheiyvatte Ndiawar Gueye (tante du Député Ngalandou Diouf) et eut deux filles ; Coumba Fall Ely qui sera l’épouse de cheikh Thioro Mbacké et Ndaté Yalla Fall Ely qui fut l’épouse du chef supérieur Samba Yomb Guilé Mbodj.
Vivement qu’en cette commémoration du bicentenaire de la tragédie de Talatay Nder, que les autorités sénégalaises et mauritaniennes puissent donner au futur pont de Rosso le nom de Bour Trarza Ely Ndieumbeutt Fall (du coté sénégalais) et Emir du Trarza Ely Ndieumbeutt Ould Mohammed Al-Habib Ould Amar Ould Mokhtar (du coté mauritanien), car ce personnage historique fut un pont entre la Mauritanie et le Sénégal.
Ironie de l’histoire, cette tragédie de Talatay Nder qui avait opposé le Fouta , le Trarza et le Walo ,fut le début du tissage de multiples liens de sang qui uniront les familles des Wane Almamy de Mboumba à celle du Brack Amar Fatim Borso et cette dernière à la famille émirale du Trarza .
Comme souvent au cours de l’histoire, les tragédies finissent toujours en beauté, par des liens de mariage.
Average Rating