PARIS- BAMAKO
Le 17 février dernier, le président Emmanuel Macron et ses partenaires ont annoncé le retrait du Mali, des soldats des opérations Barkhane et Takuba. Cet important chantier, a tenu à préciser le chef de l’Etat français, durera de 4 à 6 mois. Comme l’on pouvait s’y attendre, Bamako n’a pas tardé à réagir à cette annonce. En effet, dès le lendemain, c’est-à-dire le 18 février, le porte-parole du gouvernement malien, le colonel Abdoulaye Maïga, dit que son pays en « prend acte » et demande à la France de retirer ses soldats « sans délai ». Il a également qualifié l’annonce « unilatérale » du désengagement français, de « violation flagrante » des accords entre les deux pays. Pour le gouvernement malien, ce retrait ne saurait durer de 4 à 6 mois, comme l’a laissé entendre Emmanuel Macron. C’est ici et maintenant que les soldats français doivent faire leur paquetage et quitter le territoire malien. Visiblement irrité par l’injonction malienne, Macron martèle que « la décision du retrait s’appliquera dans le bon ordre et en sécurité ». Mieux, Macron précise qu’il sera intransigeant, au cas où la sécurité de ses soldats serait menacée. Comme on peut aisément le constater, l’heure est grave.
Les lauriers de rose qui avaient été tressés pour célébrer la France, se sont transformés en couronne d’épines
Et cela se ressent notamment dans la rhétorique employée aussi bien sur les bords de la Seine que sur les rives du fleuve Djoliba. Pour appeler le chat par son nom, on peut dire que c’est une rhétorique de défiance voire de guerre. En tout cas, on est très loin de 2012 où François Hollande, alors président de la République française en visite au Mali, faisait exploser l’applaudimètre, dans les rues de Toumbouctou et de Gao, tant les Maliens et les Maliennes étaient contents que son pays ait porté des coups significatifs aux terroristes qui, à l’époque, avaient pratiquement réussi à faire basculer l’ex-Soudan français dans le giron de l’Etat islamique. Près de dix ans après, les lauriers de rose qui avaient été tressés pour célébrer la France, se sont transformés en couronne d’épines pour Macron tant l’Hexagone est voué aujourd’hui aux gémonies presque partout au Mali. Plus les jours passent, plus ce désamour entre le Mali et la France se consolide. Dès lors, l’on peut se poser la question de savoir jusqu’où ira l’escalade entre Paris et Bamako. Cette question est d’autant plus justifiée que chacun croit avoir absolument raison. Le Mali, et cela est de bonne guerre, s’arcboute sur sa souveraineté pour légitimer la posture qu’il adopte aujourd’hui vis-à-vis de la France. Dans le même registre, l’on peut ranger sa volonté de diversifier ses partenaires dans le cadre de la lutte contre le terrorisme sur son territoire. De ce point de vue, le refus catégorique du Mali de ne pas supporter encore pendant 4 ou 6 mois, la présence militaire française et européenne sur son sol, est une attitude compréhensible et ce, d’autant plus que cette présence peut gêner les actions du groupe paramilitaire russe Wagner au Mali.
L’on peut suggérer aux deux parties, de reprendre langue, de sorte à dissiper tous les malentendus
Il ne faut pas d’emblée exclure le fait que, derrière la durée de 4 à 6 mois proposée par la France pour retirer ses soldats du Mali, pourrait se cacher l’intention de Macron de scruter de près et de visu, tout ce que l’armée malienne et ses nouveaux amis russes entreprennent non seulement sur le front de la lutte contre le terrorisme, mais aussi les autres activités que les Russes mènent au Mali. Dès lors, l’on peut comprendre que le Mali ne veuille pas du regard de la France qui est loin, aujourd’hui, d’être un pays ami. L’hexagone, de son coté, croit également avoir raison de proposer une période de retrait de ses troupes, qui peut aller de 4 à 6 mois. Il y a d’abord que le retrait de Barkhane représente un chantier gigantesque. Il n’est pas évident donc que la France puisse le conduire jusqu’au bout « sans délai », comme l’exigent les autorités maliennes. L’autre raison est qu’un retrait ici et maintenant du Mali, de Barkhane, pourrait exposer la MINUSMA (Mission des Nations unies de soutien au Mali) aux terroristes au regard du fait que cette force n’a pas un mandat pour lutter efficacement contre le péril. En tout état de cause, la France doit s’abstenir, au cas où elle obtiendrait la durée de 4 à 6 mois qu’elle a demandée pour procéder au retrait de ses soldats du Mali, de poser des actes ou de tenir des propos susceptibles de heurter la susceptibilité des Maliens ou de porter atteinte à leurs intérêts. Et en partant du postulat selon lequel les conflits, larvés au ouverts entre les pays, finissent tôt ou tard autour d’une table de négociations, l’on peut suggérer aux deux parties, de reprendre langue, de sorte à dissiper tous les malentendus entre elles. Car, les deux peuples y gagneraient. Au-delà, un apaisement significatif de la tension entre les deux pays, après qu’ils se sont dit ce que chacun d’eux considère comme la vérité, peut apporter un nouveau souffle à la lutte contre le terrorisme au Sahel en général et au Mali en particulier.
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