KMS3-DAC DE KEUR MOMAR SARR

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La visite du président de la République à Keur Momar Sarr, le samedi dernier, a été l’occasion pour ce dernier de procéder à l’inauguration de deux importantes infrastructures: KMS3 pour le secteur hydraulique et le Prodac pour celui agricole. Des chantiers dont il faut nécessairement se féliciter au vu de leur caractère essentiel et névralgique car si le premier permet aux populations d’étancher leur soif, le second ambitionne de les nourrir grâce aux fruits de l’agriculture. Pourtant, Keur Momar Sarr n’est pas cet eldorado qu’on laisse croire à travers les différentes sorties officielles des responsables étatiques dans les médias. Au-delà du portrait si joli, dressé par le pouvoir en place et ses souteneurs, la localité cache une réalité peu reluisante entre manque d’eau, problèmes d’infrastructures et difficultés relatives aux activités agricoles sur le plan communautaire.

En septembre 2013, le Sénégal avait connu l’une des pires coupures d’eau au niveau de sa capitale. Dans leur majorité, les Dakarois étaient confrontés à d’énormes difficultés pour s’approvisionner en eau; ce fut un vrai baptême du feu pour le régime nouvellement élu de Macky Sall. En réponse, le Chef de l’Etat, qui avait fait appel à la Chine et à la France pour réparer la fuite à l’origine de cette pénurie, avait pris à bras-le-corps la problématique de la distribution d’eau dans la capitale en annonçant la construction d’une usine à Keur Momar Sarr, une troisième du genre.

Réalisée aujourd’hui à 99%, l’infrastructure a été inaugurée  samedi par le président Sall, qui mérite pour cela des honneurs. L’eau c’est la vie, et en tant que tel, elle doit être rendue disponible à tous prix et à tous les coûts. Que cette inauguration soit faite en même temps que la coupure du ruban pour domaine agricole communautaire (Dac) de la localité, en gestation depuis plus de 5 ans maintenant, montre que les tenants de l’État ont pris bien conscience des attentes de la population. Cependant, malgré ce constat aux contours positifs, des injustices persistent et elles relèvent essentiellement des domaines de l’agriculture, des infrastructures, des communications et paradoxalement de la fourniture en eaux.

Des villages toujours assoiffés malgré leur proximité avec KMS3

Tout comme le Prodac qui ne prend pas réellement en charge les préoccupations des populations locales malgré leurs 50 000 hectares octroyés à ce projet, l’usine KMS3 soulage en réalité plus les populations de Dakar et des villes environnantes que les villages alentour. Alors qu’on parle de 100 000 m3 d’eau par jour, comme capacité d’approvisionnement de l’usine dès sa mise en œuvre, des populations voisines de cette installation continuent d’avoir soif. Cette situation est en totale contradiction avec ce qui apparaissent dans les communications officielles du gouvernement. De Loboudou à Malla, en passant par Syer, Foss, Guidick, les villages de l’arrondissement de  Keur Momar Sarr ne sont pas des mieux lotis en termes de fourniture en eaux. Nonobstant le fait que certains de ces villages se situent à moins de 50 mètres du lac de Guiers, il est à regretter que les habitants ne disposent pas d’eau jusque dans les maisons comme c’est le cas à Dakar. D’ailleurs, la plupart de ces villageois continuent de puiser de l’eau depuis la source (le lac), procéder à la potabilisation avec notamment la technique du filtre, pour espérer boire une eau douce. Dans une commune comme Syer, l’eau qui émane du forage n’est pas prisée du fait de sa saveur amère et complétement différente de celle du lac.

Ce qui est grave, c’est que les villages ceinturant la localité de Keur Momar Sarr ont soif depuis toujours malgré l’implantation de KM2 qui est exploitée depuis des années. De toute la commune en question, il n’y a justement que Keur Momar Sarr le chef-lieu, Loboudou, Telléré et Féto où le branchement est arrivé jusque dans les maisons tandis que l’écrasante majorité des villages se suffisent d’une ou de deux borne-fontaines. La conséquence est dramatique, puisque les femmes, souvent préposées au puisage d’eau, passent une bonne partie de leur journée à chercher le liquide précieux. Le manque d’hygiène s’invite naturellement dans les risques courus puisque ces borne-fontaines font aussi office d’abreuvoirs aux bétails. Qui peut le plus pouvant le moins, le régime en place doit desservir d’abord les localités voisines de KMS3 ne serait-ce qu’au nom de la justice, de l’équité, et de la cohérence. Mais quand le maire de la localité, dans son discours devant le président Sall lors de cette inauguration de KMS, fait l’impasse sur les problèmes de sa commune, il ne faut pas s’attendre que la réalité soit différente.

Infrastructures et communication défectueuses

Depuis son accession à la magistrature suprême, c’est la deuxième fois que le président Sall fait une visite dans la zone de Keur Momar Sarr. Entre son premier et son deuxième séjour, soit en l’espace de 8 ans, il n’y a aucun changement sur le plan des infrastructures routières. La route reliant Keur Momar Sarr à Louga est dans un état piteux et les passagers qui la prennent courent toujours de graves risques. Voilà une route qui n’en est que de nom, coupée à chaque kilomètre, à tel point que les chauffeurs préfèrent souvent prendre les sentiers que de rouler dessus, et qui a fait l’objet d’une réfection digne d’un bricoleur à l’occasion de la visite de Macky Sall. Il aurait emprunté cette  route, il se serait rendu compte du calvaire que vivent les populations de cette localité.

Au-delà du segment reliant Louga à Keur Momar Sarr, la partie allant de Keur Momar Sarr à Richard-Toll est un vrai cauchemar. « Construite » depuis les années 1990, cette route, que dis-je, ce chemin asphalté qui date de plus de 30 hivernages, constitue un goulot d’étranglement pour la circulation des populations et de leurs biens, et partant pour l’essor économique de la localité. Comme si les résidents du lac de Guiers étaient réduits en citoyens de seconde zone, aucune initiative allant dans le sens de goudronner cette piste n’a été prise. Pourtant des projets agricoles, tels Senegindia, sont implantés dans la zone et le transport de leurs produits vers Dakar et le reste du pays nécessitent une bonne route vu le type et le nombre de véhicules qui prennent régulièrement cette piste.

Au-delà du transport, la communication reste globalement problématique. En effet, la connectivité demeure à ce jour un problème majeur au moment où l’accès au 5G est le défi dans les villes. Cette fracture numérique renseigne de façon éloquente sur la fracture « politique » existante au niveau des décisions prises par l’État central qui ne pense au monde rural qu’en temps électoral. Dans cet arrondissement de Keur Momar Sarr,  dans la commune éponyme, des villages sont encore privés d’électricité malgré les bons points engrangés par le régime actuel sur le plan de l’électrification rurale. Dans un monde où la communication est devenue le nerf de la guerre, il faut reconnaitre que quand on manque un bon réseau téléphonique et de l’électricité, on n’est plus un citoyen à part entière, mais plutôt un citoyen entièrement à part des préoccupations gouvernementales.

Des paysans laissés en rade, une activité agricole à double vitesse

Parce qu’il est riche de son sol et de son eau, disponibles à suffisance, l’arrondissement de Keur Momar Sarr devrait être depuis longtemps un poumon économique du pays. Malheureusement, cette vaste étendue de terres arables n’a jamais été parmi les différents programmes agricoles d’avant 2012, ni du temps socialiste ni sous le régime libéral. C’est là le mérite de l’actuelle équipe gouvernementale qui, à travers le Programme des domaines agricoles communautaires (Prodac), a décidé d’aller en croisade contre l’insécurité alimentaire. Mieux, en inaugurant le Domaine agricole communautaire (Dac) de Keur Momar Sarr, le président Sall a dit son ambition d’atteindre l’autosuffisance alimentaire et, pourquoi pas, devenir un pays exportateur de denrées de première nécessité. Il s’agit là certes d’une vision noble mais qui souffre encire de cohérence du fait du manque de considération des paysans autochtones et qui exploitent leurs terres avec des moyens peu suffisants et peu performants.

La vérité est que le seul Dac de Keur Momar Sarr, malgré les dizaines de milliards de FCFA investis, ne peut pas à lui seul booster la production agricole de la zone. D’ailleurs, les résidents de ces villages ne sont pas pour la plupart ceux qui vont travailler dans le Dac, puisqu’ils ont déjà leurs parcelles de terre. Ce qu’il leur faudrait à la place, ce n’est pas de les confiner dans un salariat stressant, mais de les appuyer en termes de matériels et d’infrastructures pour qu’ils se prennent en charge eux-mêmes étant entendu qu’ils disposent de main-d’œuvre et de terre. Dans les villages longeant le lac, tels Gankett, Ndiakhaye, Guidick, Foss, Malla, le retour vers l’agriculture est devenu une réalité puisque l’on assiste en quelque sorte à l’exode urbain avec de plus en plus de jeunes qui, ne voyant pas le diable pour lui tirer la queue dans la capitale, se sont résolus à rentrer au bercail. Le hic, cependant, est que les services de l’État ou du ministère de l’agriculture n’ont jamais fait de descente dans la zone pour s’imprégner des problèmes des paysans. Pourtant, dans cette contrée, il n’est fait ni demande de semence ni appel à l’achat des produits agricoles; les paysans sont eux-mêmes producteurs et vendeurs contrairement à ceux qui bénéficient du soutien de l’État à travers la SONACOS.

Pour une zone qui est toujours exploitée, comme Keur Momar Sarr- les communes de Syer et KMS réunis- c’est une aberration de ne jamais s’intéresser à leur sort. En revanche, la « démission » des gouvernants fait que ce sont des multinationales qui viennent se disputer les terres pourtant à portée d’exploitation de ces ruraux. L’État du Sénégal a ainsi l’obligation d’être plus présent de ces citoyens de seconde zone qui n’attendent pourtant pas grand chose de lui. Ce que veulent ces hommes et femmes, qui sont orphelins de maires sérieux et désireux de travailler, c’est que le gouvernement les aide à rendre accessible l’eau du lac au niveau des champs distants de quelques kilomètres. Ainsi le défi du développement communautaire et de l’autosuffisance alimentaire pourrait devenir une réalité dans quelques années.

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