Sommet de Paris sur le financement de l’Afrique
Le Sommet de Paris sur les économies africaines part sans doute d’une bonne intention, mais dans le contexte mondial actuel, est-il vraiment pertinent de tirer la sonnette d’alarme à propos de la dette africaine qui ne représente qu’une infime partie de la dette mondiale. Ne serait-il pas plus juste d’offrir à l’Afrique des conditions décentes d’accès aux financements, de lutter contre les flux financiers illicites et d’inviter les multinationales à payer leur juste part d’impôt ?
Le sommet sur le financement de l’Afrique qui se tiendra ce 18 mai à l’initiative de la France met un point d’honneur à proposer une solution à la dette de l’Afrique, qui selon Cécile Valadier, une analyste de l’Agence Française de Développement (AFD), donne des raisons de s’inquiéter. « Ce qui nous inquiète, c’est que ces pays ont des besoins de financements colossaux et qu’ils pourront difficilement recourir à l’endettement externe, notamment pour leurs dépenses sociales, d’éducation ou d’infrastructures susceptibles de booster la croissance », a-t-elle fait savoir dans un jeu de questions-réponses sur l’événement.
La dette africaine : un faux problème
Si l’Afrique a de gros besoins de financement, les arguments évoqués par les autorités françaises pour justifier cette rencontre, présentée comme celle du « New Deal » entre la France et le continent noir, sont discutables. Même si la dette africaine s’est accélérée depuis la mise en œuvre de l’initiative d’allègement de dette, connue sous l’appellations de PPTE (pays pauvre très endettés), son stock reste relativement modeste et il est concentré dans des pays comme l’Afrique du Sud, ou encore l’Egypte.
Selon les perspectives économiques du FMI, révisées en avril 2021, la dette publique de l’Afrique subsaharienne atteindra seulement 799 milliards $ en 2022, soit 41% du PIB. Alors que, selon le dernier rapport publié sur cette question par l’Institute of International Finance (IIF), la dette publique des USA culmine à 129% du PIB, et celle de la zone euro à 122,6%.
Faut-il rappeler que, toujours selon l’IIF, la dette totale mondiale à la fin du premier trimestre 2021 se situait quand même à 289 000 milliards $, tirée pour l’essentiel par les pays développés (dont la France) qui peinent aujourd’hui à trouver une réponse efficace pour la relance de leurs économies. Dans la zone euro, les dettes des ménages et des sociétés non-financières atteignent respectivement 63% et 115% du PIB, contre 13% et 15% en Afrique.
Intervenant le 6 mai dernier à l’occasion du lancement d’un think tank sur la dette des pays africains, Sandra Ablamba Johnson, Secrétaire générale de la présidence du Togo, a estimé que la région avait juste besoin « d’obtenir les meilleures conditions d’accès aux financements ». « Cela passe notamment par le coût de la dette, c’est l’élément primordial expliquant la situation actuelle dans laquelle nous nous trouvons », a-t-elle ajouté.
L’autre question que devrait aborder la conférence c’est celle du financement de l’Afrique via une nouvelle allocation des Droits de Tirage Spéciaux (DTS) du FMI. Selon les estimations les plus optimistes l’Afrique pourrait bénéficier directement de 34 milliards $ de liquidités extérieures. Et un peu plus par la suite, via le soutien des pays riches qui décideraient de prêter ou d’abandonner leurs nouveaux DTS. « J’ai tendance à penser que les DTS ne vont pas être validés par les pays africains car ils seront probablement adossés à un plan de contrôle de la dette. Or, actuellement, les pays africains ont surtout besoin de financements massifs à long terme, pour construire une véritable industrie », a fait savoir Chicot Eboue, un spécialiste africain de la macroéconomique des finances associées au développement, dans une interview publiée par TV5 Monde.
Un autre défi qui n’est pas à l’ordre du jour des échanges de la rencontre du 18 mai, c’est celui sur les flux financiers illicites dont l’Afrique est une grande victime. Selon la CNUCED, sur la base des données examinées entre 2010 et 2018, le continent a perdu annuellement l’équivalent 88,6 milliards $ par an, rien que sur les transactions commerciales. Or 82% de ces échanges commerciaux, se déroulent avec des partenaires extérieurs, dont les principaux sont situés dans la zone euro.
Un dernier point qui ne figure pas clairement sur l’agenda de ce forum, c’est celui des accords fiscaux avantageux qui privent légalement l’Afrique de centaines de milliards $ pour le financement de son développement. En 2019, Tax Justice Network a indiqué, dans son indice des paradis fiscaux pour les multinationales, que la France et le Royaume-Uni étaient les pays européens les plus agressifs en Afrique pour l’obtention des fiscalités avantageuses pour leurs entreprises.
Parmi les propositions majeures de cette ONG, figure l’exigence pour les multinationales d’être plus transparentes dans la publication de leurs performances financières, en rendant compte de leur situations pays par pays. Elle préconise aussi un échange automatique d’informations fiscales. Elle suggère enfin plus de clarté sur les propriétaires réels des entreprises. Trois points sur lequel les entreprises internationales, y compris françaises, ont encore des efforts à fournir.
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