Opérations de sécurisation de l’armée en Casamance
Les opérations de sécurisation lancées par l’armée sénégalaise en Casamance ces derniers jours, a permis le démantèlement de plusieurs bases des rebelles armés qui occupent et exploitent certaines zones de la Casamance depuis plusieurs décennies. Les militaires ont mis fin à l’hégémonie du MFDC en neutralisant ces groupes et rétablir la sécurité des habitants.
Regain de tensions dans l’un des plus vieux conflits d’Afrique. Depuis fin janvier, l’armée sénégalaise a lancé une opération contre les combattants du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC). Ces interventions militaires constituent une nouvelle étape dans ce conflit installé depuis les années 1980 entre l’Etat sénégalais et les rebelles armés qui revendiquent l’indépendance de la Casamance, région méridionale du Sénégal, entourée par la Gambie, au nord, et la Guinée-Bissau, au sud. Après plusieurs jours de silence, l’armée a officiellement confirmé mardi avoir ravi trois «bases» aux rebelles indépendantistes et saisi mortiers, lance-roquettes, fusils et motos lors d’une offensive lancée fin janvier.
Des tirs d’artillerie ont précédé un assaut donné par les forces terrestres, soutenus, lui, par des avions et des hélicoptères, selon un officier. Quelques jours auparavant, des tirs d’artillerie et des bombardements avaient eu lieu dans la région de Ziguinchor, principale ville de Casamance, sans que l’armée ne communique sur cette intervention militaire réalisée dans l’opacité totale. Aucune évaluation du bilan humain n’a d’ailleurs été présentée. «Nous ne savons pas si des rebelles sont morts durant les attaques de l’armée mais selon nos observateurs sur place, il n’y a aucune perte à déplorer du côté des populations civiles. Les villages où se déroulent les combats ont été désertés il y a longtemps», rapporte Seydi Gassama, responsable de l’antenne d’Amnesty International à Dakar.
« Une situation de Ni guerre, ni paix»
Le mouvement des forces démocratiques de la Casamance (MFDC) s’est créé au début des années 1980 pour revendiquer l’indépendance de ce territoire. Face au manque d’influence et d’implication de l’Etat dans la région, les velléités indépendantistes ont alors trouvé un écho favorable parmi la population. «Avec l’indépendance du Sénégal en 1958, l’Etat sénégalais est entré dans une crise très profonde. Les Casamançais sont alors très en demande de l’Etat mais ne se sentent pas représentés dans les instances parlementaires de la capitale», renseigne un observateur de la crise.
Dans la décennie 90, le MFDC acquiert des capacités militaires et le conflit s’envenime, provoquant d’importantes pertes civiles et militaires et des déplacements de populations, entre deux cessez-le-feu, avant que la situation ne s’enlise dans une forme de statu quo qualifié de «ni guerre, ni paix». Prises entre deux feux, les populations civiles sont à présent éreintées par cette situation d’insécurité maintenue par un MFDC aujourd’hui dans l’impasse et en perte d’influence. De son côté, l’Etat sénégalais s’est redéployé dans la région, renforçant institutions et infrastructures. «La possibilité d’un développement dans le cadre du Sénégal a reconquis les esprits. Même si une partie des populations ont toujours une forme de sympathie pour l’idée d’indépendance, elles souhaitent passer à autre chose».
Exactions, vols de bétails, culture de chanvre indien, trafics divers….
S’ils défendent les zones qu’ils occupent et exploitent, les rebelles commettent régulièrement des exactions à l’encontre des populations civiles. En décembre 2018, quatorze bûcherons ont été exécutés dans la forêt de Boffa-Bayotte, provoquant un nouvel épisode de violences. En réponse, l’armée avait lancé une opération de ratissage pour arrêter une vingtaine de suspects aujourd’hui en attente de jugement. Plus récemment, les corps de deux jeunes ont été retrouvés dans la forêt de Bissine, à environ 50 kilomètres à l’est de Ziguinchor, dans la région au cœur de l’opération lancée par l’armée sénégalaise, eux aussi probablement victimes de membres du MFDC, selon la presse nationale.
«Des hommes en armes viennent aussi voler le bétail des villageois dans la zone actuellement ciblée par l’armée. Donc qualifier la situation de «ni guerre, ni paix» est presque une insulte», témoigne Seydi Gassama, d’Amnesty International et originaire de Casamance. Les populations réfugiées aspirent aujourd’hui à retrouver leurs villages et la paix, poussées par l’accalmie de ces dernières années dans le conflit selon lui. Armes, munitions, matériel de locomotion, ustensiles de cuisine et bunker des rebelles. Images prises dans le cantonnement rebelle de Badiong tombé entre les mains de l’armée.
Ces interventions militaires visent aussi à faciliter la réinstallation des populations encouragée par le gouvernement du président Macky Sall. L’opération en cours, menée avec le soutien de la Guinée-Bissau voisine, entend officiellement «neutraliser les éléments armés qui ont pris refuge» en Casamance et s’y livrent à «des exactions contre les populations», a indiqué l’armée dans un communiqué du 28 janvier, et «poursuivre l’accompagnement sécuritaire du retour des populations déplacées».
Dans cette région fluviale riche en ressources – vergers, noix de cajou, forêts – les rebelles sont notamment accusés de différents trafics sur des terres désertées par les habitants. L’armée a indiqué mardi avoir pris de contrôle de plusieurs hectares de champs de cannabis que le MFDC est accusé de vendre illégalement.
La stratégie de l’Etat sénégalais prévoit d’affaiblir le MFDC en rognant son espace de vie et «en divisant un peu plus un mouvement déjà en proie à de multiples scissions internes», analyse Jean Claude Marut, chercheur associé au LAM. Contrairement au discours officiel, l’Etat, qui devrait poursuivre son opération militaire, cherche aussi à éviter des négociations de paix : des discussions ont déjà échoué auparavant avec d’autres factions du mouvement. Est-ce une stratégie efficace pour assurer la sécurité des populations et ramener la paix ? «On peut penser que, tant que le point de vue indépendantiste ne sera pas reconnu comme un point de vue politique – comme c’est le cas ailleurs dans le monde – les conditions d’une poursuite, voire d’une relance de la violence existeront», conclut Jean-Claude Marut.
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