Il était gravement malade
Le chef de l’opposition malienne est mort à Paris où il venait d’y être évacué. Il avait 71 ans et était gravement malade depuis sa libération par ses ravisseurs.
Ancien ministre au Mali, ancien president de l’Union economique et monetaire ouest-africaine (Uemoa) Soumaila Cisse etait une figure politique majeure sur le continent africain.
Le principal opposant malien Soumaïla Cissé, qui avait été retenu en otage pendant six mois par des djihadistes, est décédé vendredi du coronavirus en France, a-t-on appris auprès de sa famille et de son parti. « Soumaïla Cissé, leader de l’opposition malienne, est décédé ce jour en France où il avait été transféré pour des soins d’une grave maladie à la quelle s’est ajoutée la Covid-19 », a annoncé un membre de sa famille, une information confirmée par un responsable du parti.
Son décès a créé une immense onde de choc aussi bien dans son pays qu’à l’international. « Je confirme la terrible nouvelle. Il est mort. Son épouse qui est en France me l’a confirmé », a déclaré un responsable de son parti, l’Union pour la République et la démocratie (URD).
Soumaïla Cissé, deuxième à trois reprises de l’élection présidentielle, avait été kidnappé le 25 mars alors qu’il était en campagne pour les élections législatives dans son fief électoral de Niafounké, dans la région de Tombouctou (Nord-Ouest). Il s’agissait d’un enlèvement sans précédent d’une personnalité de cette envergure, même dans un pays et un contexte sécuritaire où de nombreux rapts ont été perpétrés pour différentes raisons.
Il venait de recouvrer la liberté, libéré début octobre en même temps que l’otage française Sophie Pétronin et deux Italiens, en échange de 200 détenus relâchés à la demande des groupes djihadistes, il souffrait depuis. « Je n’ai subi aucune violence, ni physique ni verbale », avait-il déclaré après sa libération.
Un brillant parcours…
À 71 ans, il a derrière lui un parcours brillant qui l’a conduit à de hautes responsabilités ministérielles et africaines. En 2013 et 2018, il s’est incliné lors du scrutin suprême à cause de fraudes face à Ibrahim Boubacar Keïta. Il y a deux ans, il avait vivement et vainement contesté la victoire « d’IBK », entachée de fraudes, selon lui
Cet homme élégant passait volontiers pour un intellectuel, débonnaire, mais plus professoral que charismatique. « Il y a, c’est vrai, le complexe de l’intellectuel. Mais j’ai milité très tôt. Je ne reste pas assis dans un bureau. Pour la démocratie au Mali en 1991, j’étais là », avait-il expliqué en faisant référence à la transition démocratique après les années de dictature postindépendance. « En 2012, lorsqu’un putsch a interrompu le processus démocratique, j’étais là aussi. Je n’ai pas de leçons de militantisme à recevoir de grand monde », ajoutait-il.
Ingénieur-informaticien de formation, il a étudié au Sénégal et en France. Là, il a travaillé dans de grands groupes, tels qu’IBM, Pechiney ou Thomson. Il rentre en 1984 et intègre la Compagnie malienne pour le développement du textile (CMDT), alors colonne vertébrale de l’économie. Il est considéré comme le chef d’un groupe d’intellectuels bien décidés à jouer un rôle politique.
Sous Alpha Oumar Konaré (1992-2002), il est nommé secrétaire général de la présidence, puis ministre des Finances (1993-2000), côtoyant quelques mois au gouvernement Ibrahim Boubacar Keïta comme collègue. En 2000, il devient « superministre », cumulant plusieurs postes. En 2002, candidat du parti présidentiel, il est battu au second tour par Amadou Toumani Touré, un militaire qui a pris sa retraite de l’armée. Il crée en 2003 son propre parti, l’Union pour la République et la démocratie (URD), aujourd’hui deuxième force à l’Assemblée nationale. De 2004 à 2011, il assume la présidence de la Commission de l’Union économique et monétaire ouest-africaine.
Une carrière à part
Farouche opposant au putsch du 22 mars 2012 qui précipite le pays dans la crise qu’il connaît encore aujourd’hui, il est brutalement arrêté par les hommes du capitaine Amadou Haya Sanogo. Blessé lors de cette arrestation à son domicile de Bamako, qui est saccagé, il va se faire soigner en France.
En 2013, après l’intervention militaire française qui chasse les djihadistes qui occupaient le nord du pays et progressaient vers la capitale, et l’effacement de la junte, il accède au second tour de la présidentielle, mais est battu par son rival de toujours Ibrahim Boubacar Keïta, qui recueille plus de 77 % des suffrages par fraude. Il tente à nouveau sa chance en 2018, invoquant la tourmente dans laquelle se trouve le pays et se posant en recours contre « le chaos et l’abîme ».
Avant même la proclamation des résultats du second tour, celui qui avait en 2013 reconnu sa défaite avant son officialisation refuse de les accepter et appelle les Maliens à « se lever » contre la « dictature de la fraude ». Il n’est pas parvenu à unir l’opposition, dont les autres ténors se sont gardés de donner la moindre consigne de vote ou ont choisi de rallier le camp de IBK.
Celui-ci est déclaré vainqueur avec 67,16 % des voix, contre 32,84 % à Soumaïla Cissé. Des manifestations pendant plusieurs semaines n’y font rien : M. Cissé reste dans l’opposition. Quand un nouveau gouvernement dit d’ouverture est formé en mai 2019 après des semaines de contestation contre l’incapacité de l’État à assurer la protection des populations, l’URD, à la différence d’autres partis d’opposition, reste à l’écart.
La dégradation sécuritaire se poursuit, entre insurrections djihadistes et violences intercommunautaires. Le président tente un dialogue avec toutes les composantes politiques pour apporter à la crise une réponse autre que seulement militaire.
Depuis sa libération, beaucoup le voyaient déjà comme le prochain président du Mali. Hélas
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