Didier Raoult
Les réseaux sociaux se sont pris de passion pour la chloroquine du Panoramix français et l’artemisia du président malgache, et l’on aurait tort de se moquer.
L’Afrique des réseaux sociaux vient de consacrer ses deux nouveaux héros. Un chef d’État de 45 ans au physique de gendre idéal sorti d’un film de Bollywood et un virologue de 68 ans à la dégaine de druide hirsute, tonton flingueur surdiplômé et génie de l’insoumission curative.
Se gausser de cet engouement, comme le font volontiers l’oligarchie condescendante de l’espace médiatique français et la caste mandarinale de l’establishment médical, n’est pas seulement une marque de mépris, c’est surtout un exercice inutile : il y a longtemps que la sémantique sarcastique des donneurs de leçons ne trouve plus aucun écho au sud de la Méditerranée.
Tout au contraire : si Didier Raoult et Andry Rajoelina sont devenus en quelques semaines des demi-dieux de la Toile africaine, c’est aussi en raison de la campagne de railleries et de persiflages dont ces prophètes de la chloroquine et de l’artemisia ont fait l’objet de la part des « sachants ». Et cela, quel que soit le destin – victoire ou déroute – de leurs remèdes respectifs face au coronavirus.
Ovni en blouse blanche
Didier Raoult tout d’abord. Star africaine d’adoption en quelque sorte, né à Dakar, arpenteur de la forêt congolaise, dont l’Institut hospitalo-universitaire (IHU) de Marseille a formé des dizaines d’infectiologues maghrébins et subsahariens. De Macky Sall à Denis Sassou Nguesso, rares sont les chefs d’État du continent qui ne l’ont pas consulté depuis le début de la pandémie. La majorité des pays d’Afrique francophone, ceux du Maghreb et une partie des anglophones appliquent dans leurs hôpitaux son protocole de traitement à base de choloroquine ou d’hydroxychloroquine – quand ils peuvent s’en procurer.
Ne vous avisez pas de critiquer cet ovni en blouse blanche et aux bagues de rocker. On vous reprochera aussitôt de camper dans l’enclos de « Big Pharma », ces multinationales pharmaceutiques du Nord qui ne supportent pas de voir un trublion briseur de codes préconiser l’usage d’une molécule tombée dans le domaine public et donc quasi gratuite (2,5 euros pour un traitement de quatorze jours associé à un antibiotique), là où il y aurait tant de profits à réaliser.
Les réseaux sociaux – et une bonne partie de l’opinion africaine – voient également la main de Big Pharma derrière la campagne de dérision visant à discréditer, selon eux, la potion Covid-Organics lancée (et bientôt commercialisée) par le président malgache, Andry Rajoelina. Conséquence : l’emballement pour ce produit devient viral sur le continent.
Devant neuf chefs d’État africains réunis par visioconférence il y a quelques jours, Rajoelina en a fait la promotion avec un vrai talent de VRP, vantant les vertus préventives
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