Didier Raoult, au croisement de l’Afrique et de la science
Le professeur Raoult a conjugué son attachement à l’Afrique avec sa passion de l’infectiologie. La séquence du Covid-19 en est une parfaite illustration.
Dans une interview exclusive accordée à (RFI) mardi 14 avril, le président français, Emanuel Macron, s’est longuement exprimé sur la question de la chloroquine, cet antipaludéen bien connu des Africains et testé par le professeur Didier Raoult dans un protocole contre le Covid-19. Emmanuel Macron n’a pas tari d’éloges à l’égard du directeur de l’Institut hospitalo-universitaire (IHU) en maladies infectieuses de Marseille. Et d’ajouter qu’il fallait que la bithérapie concoctée par ce spécialiste des maladies infectieuses « soit testée ». « Je suis convaincu que c’est un grand scientifique, et je suis passionné par ce qu’il dit et ce qu’il explique », a dit le chef de l’État, qui a indiqué que Didier Raoult était « vraiment une de nos plus grandes sommités en la matière ». À cette heure de grande écoute, le chef de l’État français sait que des millions d’auditeurs, qui scrutent chacun de ses mots, se trouvent de l’autre côté de la Méditerranée, en Afrique, où le professeur Raoult est presque considéré comme un enfant du pays, lui qui a partagé publiquement son fort attachement à l’Afrique en général, au Sénégal en particulier, son pays natal.
L’attachement de l’Afrique à Didier Raoult
« Le Pr Raoult occupe le devant de la scène depuis plusieurs semaines déjà. Il était évident qu’une interview de lui où il évoque son lien avec le continent africain aurait un énorme succès, d’autant plus qu’il y a une certaine curiosité par rapport à l’évolution du coronavirus sur le continent, où de nombreux pays ont fait le choix de la chloroquine », confie au Point Afrique Babacar Ndaw Faye, rédacteur en chef au groupe E-media à l’origine de ladite interview du célèbre médecin, une interview devenue virale depuis. À ce jour, la vidéo a été vue plus de 200 000 fois rien que sur la chaîne YouTube du groupe de média créé en 2018. Elle a également été très largement relayée sur les réseaux sociaux, sans compter qu’elle a suscité une avalanche de plus de 650 commentaires et un peu plus sur les réseaux sociaux.
Et quels messages ! « Grand professeur de son temps, tu es toujours le bienvenu en Afrique. Tout le continent t’aime ! » envoyé depuis la Côte d’Ivoire. « Vive le Dr. Pr Raoult, que Dieu te protège. Merci papa », depuis le Cameroun. « Il faut qu’il revienne au Sénégal. On va s’occuper de lui, si les autres ne le prennent pas au sérieux », envoie un Sénégalais. « En vérité, ce n’est pas la couleur de la peau qui fait l’Africain, mais c’est le cœur, l’âme », lâche cet autre internaute.
Comment expliquer ces appréciations qui tranchent avec les critiques et les polémiques le concernant en France ? Sont-ce ces années passées au Plateau en face de la plage de l’anse Bernard qui ont forgé le caractère si libre de l’infectiologue aux cheveux longs ? « Je garde des souvenirs très attachants », lâche-t-il face caméra, évoquant « une vie tellement belle » que le retour en France aurait été « compliqué ». Est-ce que les résultats qui sont en train d’être obtenus par la bithérapie prescrite par Raoult dans de nombreux pays peuvent réhabiliter sa thèse en France et ailleurs ? Autant de questions qui méritent d’être posées.
Didier Raoult, une histoire africaine
Le professeur Didier Raoult est loin d’être un inconnu au Sénégal, comme l’a démontré un récent portrait que lui a consacré l’hebdomadaire Jeune Afrique. L’homme est né à l’hôpital principal de Dakar en 1952. Son père André était médecin colonel, fondateur à Dakar de l’Organisme de recherches sur l’alimentation et la nutrition africaine (Orana), sa mère était infirmière. À la tête de cet organisme pionnier dans son domaine, hérité de la « Mission anthropologique de l’Afrique-Occidentale française », Raoult père s’illustre pour ses travaux sur l’alimentation et les graves pathologies nutritionnelles dont souffrent nombre d’enfants du Sénégal.
En effet, cette problématique était devenue majeure au sortir de la conférence des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture de Hot-Springs en 1943 aux États-Unis. En pleine Seconde Guerre mondiale, les armées occidentales stationnées dans les différentes colonies étaient sidérées par les phénomènes de la malnutrition chez les prisonniers et les populations locales. Inspirée par la conviction que l’éradication de la faim et de la pauvreté est une condition de la paix, la France s’était engagée à développer, dans ses colonies africaines, des organismes destinés à observer, analyser et prendre les mesures propres à y remédier. Les avitaminoses, le kwashiorkor, les anémies nutritionnelles, l’Orana mène ses enquêtes dans tout le Sahel et n’hésite pas à faire du porte-à-porte. C’était la méthode Raoult : étudier tout l’écosystème d’une maladie. C’est ainsi qu’il s’intéresse aussi à des maux moins connus comme la bilharziose, une maladie parasitaire qui sévit dans les eaux stagnantes des régions tropicales et subtropicales, principalement en Afrique.
Pas très glamour, mais c’est certainement dans cet environnement que Didier Raoult s’est rêvé collectionneurs de bactéries et de virus. En tout cas, lorsqu’il s’agit d’évoquer ses liens forts tissés avec l’Afrique, Didier Raoult affiche une certaine retenue, presque de la timidité, baissant régulièrement son regard pour se replonger dans ses souvenirs. « Il y a douze ans, j’ai eu la chance de revenir pour m’occuper de l’unité de recherche de l’Institut de recherche pour le développement [IRD] au Sénégal. » Plus exactement dans l’hôpital principal de Dakar, où il est né, c’est là où il a inauguré en 2012 une plateforme de Recherche, la première en Afrique à être équipée d’un spectromètre de masse MALDI-TOF. Cet appareil ultramoderne « permet un diagnostic rapide » des maladies infectieuses et respiratoires.
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