Afrique-pouvoir et Détournements de fonds
De la famille Dos Santos, en Angola, à celle des Eyadema au Togo, en passant par les Bongo au Gabon, jusqu’au camerounais Biya, les détournements de fonds publics au profit des clans au pouvoir, sont estimés chaque année à plusieurs milliards d’euros
Alors qu’un reportage de la BBC met le point sur ce qui semble être une corruption orchestrée par le frère du chef de l’Etat Macky Sall, l’histoire montre que la pratique était et est encore répandue chez les politiques africains.
Il y a quelques jours, un rapport de l’ONG Sentry mettait en cause la gestion du clan Kabila en République démocratique du Congo (23.05.2019). L’ancien président et sa famille sont accusés d’avoir détourné d’importantes sommes d’argent public, par le biais de la banque Kwanza Capital.
Mais au-delà de la République démocratique du Congo, ce type d’abus a aussi été rapporté dans d’autres pays du continent.
De la famille Dos Santos, en Angola, à celle des Eyadema au Togo, en passant par les Bongo au Gabon, jusqu’au camerounais Paul Biya, les détournements de fonds publics, au profit des clans au pouvoir, sont estimés chaque année à plusieurs milliards d’euros.
140 millions de dollars
« Malheureusement pour le continent africain, c’est devenu quelque chose d’assez fréquent, que ce soit au Nigeria, au Cameroun, en Afrique centrale très largement, en Afrique de l’Ouest etc », estime Regis Houmkpè, directeur exécutif d’Interglobe-Conseils, un cabinet spécialisé en expertise géopolitique.
Il explique que la corruption et le vol organisé freinent le développement du continent. « Au Maghreb, on a vu aussi avec le Printemps arabe que le clan Ben Ali avait fait main basse sur des pans entiers de l’économie tunisienne. Donc, malheureusement, l’Afrique est très riche mais les Africains sont très pauvres et les leaders ou les présidents qui dirigent ce continent sont riches mais de façon frauduleuse. »
Concernant la République démocratique du Congo, le dernier rapport de l’ONG Sentry indique qu’environ 140 millions de dollars pourraient avoir bénéficié au premier cercle de l’ancien chef d’État, via la société d’investissement Kwanza Capital, qui a pris des parts importants dans des banques commerciales en RDC.
Prise de contrôle des entreprises par les Kabila
Des détournements qui rappellent les nombreux scandales au lendemain de la chute du président Mobutu. L’ancien président congolais aurait ainsi déposé environ cinq millions d’euro en Suisse, selon des déclarations du ministre de la Justice congolais en 1997.
Mais selon Patrick Mboyo, chercheur à l’université Paris Saclay, pour continuer à garder la main sur l’économie et la politique en RDC, la famille Kabila a choisi de faire les choses autrement :
« La famille de Mobuto avait commis l’erreur de piller, prendre l’argent et aller investir à l’étranger. Les Kabila ne veulent pas faire ça », détaille le chercheur. « Ils pillent le Congo, ils prennent l’argent mais ils prennent le contrôle des entreprises basées en RDC, de sorte qu’à chaque fois qu’on voudrait toucher à leurs intérêts ce soit l’économie congolaise qui en pâtisse. Voilà pourquoi Joseph Kabila reste toujours le maître du jeu dans l’économie et la politique congolaise. »
Autre exemple de corruption, encore : il y a un peu plus de deux ans, la Suisse avait annoncé qu’elle allait restituer au Nigeria environ 321 millions de dollars volés par l’ancien dictateur Sani Abacha – accusé d’avoir détourné quelque cinq milliards de dollars des coffres de son pays, entre 1993 à 1998.
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