Septième mandat présidentiel
A 85 ans, Biya a entamé un mandat – le septième – des plus incertains malgré sa confortable victoire, en octobre. L’activisme de Boko Haram à l’extrême nord, allié à la guerre civile qui embrase les deux régions anglophones, fait imploser la paix fragile que le chef de l’Etat tente de maintenir depuis sa prise de pouvoir en 1982.
L’inquiétude suscitée par la multiplication des menaces mobilise la communauté internationale, à com- mencer par l’Allemagne. En quête d’une nouvelle influence en Afrique et soucieuse de ne pas laisser le leadership à la France sur son ancien territoire du Cameroun Berlin pousse à sortir de la crise qui secoue les régions du sud-ouest et du nord-ouest depuis plus de deux ans. Une nouvelle délégation de parlementaires emmenée par Ottmar von Holtz, leader de l’Alliance 90/Les Verts au Bundestag, a rencontré, le 1er décembre, le cardinal Christian Tumi. Ce dernier est l’artisan et le président de l’Anglophone General Conference, dont les deux dernières réunions ont été annulées sur ordre de Yaoundé. Le député était accompagné par sa collègue Daniela De Ridder ainsi que l’ambassadeur d’Allemagne au Came- roun, Hans-Dieter Stell, et son adjoint Lars Gerrit Leymann. Christian Tumi a dressé la situation très dégradée des deux régions durant l’entretien. Berlin soutient clairement la tenue de cette conférence, jugée à l’heure actuelle comme la seule voie de pacification, pour février ou mars.
Répression. La négociation n’est toutefois pas une option pour Yaoundé. Et Paul Biya refuse obstinément de recevoir le prélat. Sur le terrain, la répression tend même à s’intensifier. Celle-ci est mise en œuvre par un appareil sécuritaire des plus soudés, ciblant les responsables politiques et les journalistes. Emile Bamkoui est l’un des bras armés sur lesquels le régime camerounais s’appuie pour maintenir son autorité. Patron du commando ayant arrêté le leader sécessionniste Sissiku Ayuk Tabe et dix-sept de ses « lieutenants » à Abuja, début janvier, ce colonel de 58 ans scrute les prises de parole publiques qu’il peut, à tout moment, requali- fier en crime valant traduction devant un tribunal militaire. A la suite de plusieurs de ses confrères, le journaliste Michel Biem Tong du site Hurinews.com a d’ailleurs comparu le 5 décembre. Il devait répondre d’ »apologie de la sécession, incitation à l’insurrection et usurpation du titre de journaliste ». Dans sa mission, Emile Bamkoui est soutenu par secrétaire d’Etat auprès du ministre de la défense chargé de la gendarmerie, Galax Yves Landry Etoga, le ministre de l’admi- nistration territoriale, Paul Atanga Nji – par ailleurs secrétaire permanent du Conseil national de sécurité (CNS) – ou encore le délégué général à la sûreté nationale (police), Martin Mbarga Nguelé, 86 ans. Ce dispositif répressif est complété par le directeur de la sécurité présidentielle, l’inamovible général anglophone Ivo Desancio Yenwo, 74 ans, qui officie aux côtés de Paul Biya depuis le putsch de 1984, ainsi que le commandant de la Garde présidentielle, le lieutenant- colonel Raymond Beko’o Abondo.
Coûts. Ce contexte délétère accélère la menace de fragmentation du Cameroun. Le manque d’infrastructures a officielle- ment justifié la décision, le 30 novembre, de la Confédération africaine de football (CAF) de retirer au pays l’organisation de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) en 2019. En réalité, cette décision a été princi- palement guidée par l’insécurité. Or, plus de mille milliards F CFA (1,5 milliard €) ont déjà été investis pour la construction de deux nouveaux grands stades et la réhabilitation de trois autres. Attribuée en 2014, cette CAN a également mobilisé le secteur privé, aujourd’hui dans un état de désolation. Seul moyen d’amortir le choc financier causé par cette annulation soudaine, les autorités tentent actuellement de renégocier une reprogrammation en 2021.A supposer que la crise anglophone soit apaisée.
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