Ces fossiles qui gouvernent l’Afrique
A l’heure où un homme même pas quadra accède à l’Elysée, passage en revue des potentats, essentiellement africains, qui s’accrochent au pouvoir depuis des lustres.
Teodoro Obiang Nguema Mbasogo : 37 ans à la tête de la Guinée-Equatoriale
En 1979, Teodoro Obiang Nguema Mbasogo s’empare du pouvoir après un coup d’Etat dirigé contre le régimentaire autoritaire de son oncle, Francisco Macías Nguema. D’abord président du Conseil militaire suprême, il est nommé président de la République en 1982. Aujourd’hui, entre dictature et corruption, à 74 ans, il mène son pays d’une main de fer. Car depuis son arrivée au pouvoir, Teodoro Obiang Nguema Mbasogo a cumulé cinq mandats consécutifs. Et ce après des élections controversées et pour le moins particulières au regard des normes démocratique. En Guinée-Equatoriale, les urnes n’existent pas. Les citoyens sont donc sommés de confier leur bulletin au chef du bureau de vote, laissant ainsi la voie libre à la corruption et abandonnant tout espoir de renouveau pour leur pays.
José Eduardo dos Santos : 37 ans à la tête de l’Angola
Depuis son indépendance en 1975, l’Angola n’a pratiquement connu qu’un seul président : José Eduardo dos Santos, aujourd’hui âgé de 74 ans. Alors qu’il était ministre des Affaires étrangères, il a été propulsé au siège de président du pays après la mort d’Agostinho Neto en 1979. Depuis, il ne l’a jamais quitté. Les élections de 1992 auraient pu permettre un changement de présidence, mais le second tour a été annulé après des accusations de fraude. De ce fait, José Eduardo dos Santos a conservé le pouvoir. Il faudra attendre vingt ans pour que le pays organise de nouvelles élections et le réélise avec 75% des voix. En février dernier, il a annoncé qu’il se retirait (enfin) du pouvoir. Après trente-sept ans de règne, José Eduardo dos Santos devrait donc passer le relais à son actuel ministre de la Défense, João Lourenço, en août. Enfin dans le cas où son parti, le MPLA, remporte les législatives conformément à la constitution angolaise.
Paul Biya : 34 ans à la tête du Cameroun
Pour Paul Biya, 84 ans, le pouvoir est sacré et il se garde. Arrivé à la présidence en 1982 après la démission du président Ahmadou Ahidjo, il se hisse, sans grand effort, sur le podium de ceux qui détiennent le pouvoir depuis le plus longtemps. Paul Biya a déjà été réélu cinq fois consécutives, après avoir promis aux citoyens de leur offrir le «Cameroun des grandes ambitions». Pourtant, rien n’a été fait. Depuis trente ans, le Cameroun recule, plongé dans une profonde léthargie, en total décalage avec son énorme potentiel économique. Les élections présidentielles ne mobilisent plus les Camerounais déçus et qui n’ont plus grand espoir en l’avenir de leur pays. Celui que l’on surnomme «le roi des fainéants» ne peine ainsi pas à se faire réélire. En 2015, alors que François Hollande était en visite au Cameroun, Paul Biya s’était vanté de sa longévité au pouvoir auprès du président de la République. «Ne dure pas au pouvoir qui veut mais dure qui peut», avait-il affirmé.
Yoweri Museveni : 31 ans à la tête de l’Ouganda
Porté au pouvoir par un coup d’Etat en 1986, Yoweri Museveni est président de l’Ouganda depuis plus de trente ans. Plus jeune, il dénonçait pourtant ces dirigeants africains qui «veulent rester trop longtemps au pouvoir». En 2016, il a finalement rempilé pour un cinquième mandat de cinq ans, à l’issue d’une élection présidentielle très critiquée avec bureaux de vote bloqués et réseaux sociaux inutilisables. L’opposition a dénoncé des élections non démocratiques. Depuis son arrivée au pouvoir, Yoweri Museveni, 72 ans, n’a cessé de multiplier des mesures répressives. Il a notamment déclaré la guerre aux homosexuels qu’ils considèrent comme «anormaux».
Robert Mugabe : 29 ans à la tête du Zimbabwe
Agé de 93 ans, le président du Zimbabwé, Robert Mugabe, est plus vieux dirigeant en exercice dans le monde. «Elu» président en 1987, il est régulièrement accusé de s’éterniser au pouvoir. En septembre 2016, des manifestations «anti-Mugabe» ont été organisées, réclamant sa démission immédiate. Ce à quoi Robert Mugabe a logiquement répondu qu’il resterait au pouvoir tant qu’il le pourrait.
Omar el-Béchir : 27 ans à la tête du Soudan
En 1989, le général Omar el-Béchir renverse le gouvernement élu du Premier ministre, Sadeq al-Mahdi, et s’empare du pouvoir. Réclamé par la Cour pénale internationale pour génocide au Darfour, il cumule les victoires à l’issue d’élections très controversées. Largement boycotté par l’opposition, le dernier scrutin, organisé en 2015, lui a accordé 68,24% des voix. Omar el-Béchir est âgé de 73 ans.
Idriss Déby Itno : 26 ans à la tête du Tchad
A 64 ans, il cumule déjà plus de vingt années au pouvoir mais ne semble pas pour autant lassé. En 1990, par le biais d’un coup d’Etat, il chasse Hissène Habré et prend immédiatement son siège. En 1991, il est nommé président de la République par le Mouvement patriotique de salut (MPS). Décrié dans son pays, le chef de l’Etat a su gagner la confiance des Occidentaux grâce à la lutte qu’il mène contre les terroristes. En 2016, il est élu loin devant son adversaire, Saleh Kebzabo, qui dénonce un «hold-up électoral». Alors que des élections législatives devaient se tenir courant 2016, celles-ci ont été reportées, «faute de moyens».
Isaias Afwerki : 24 ans à la tête de l’Erythrée
En 1993, l’Erythrée devient indépendant de l’Ethiopie et élit Isaias Akwerki à sa tête. En vingt-quatre ans, le président est passé du statut de héros vénéré de la guerre de libération à celui d’impitoyable dictateur brisant toute voix dissidente et ayant isolé son pays des bords de la mer Rouge du reste du monde. En 2015, un rapport évoque un système orwellien de surveillance de masse, où voisins et membres de la famille doivent rendre compte des activités des uns et des autres, où les personnes sont détenues pendant des années dans des conditions horribles sans même savoir pourquoi, où le service militaire à durée illimitée permet au régime de compter sur une main-d’œuvre réduite à l’état d’esclavage pendant des années. L’homme d’Etat érythréen a 71 ans.
Abdelaziz Bouteflika : 18 ans à la tête de l’Algérie
Dix-huit ans de règne sans partage. Elu pour la première fois en 1999, Abdelaziz Bouteflika avait supprimé lui-même la limitation du nombre de mandats présidentiels, éveillant les soupçons d’une présidence à vie. Cette mesure lui a permis d’enchaîner quatre mandats à la tête du pays. Mais en 2016, le Parlement a adopté un projet de révision constitutionnelle visant à limiter le nombre de mandats présidentiels. Ce quatrième mandat sera donc le dernier du président algérien, âgé de 80 ans.
Sur le reste de la planète, ces records sont largement dénoncés par des dirigeants qui regrettent le manque de démocratie. En 2014, lors du Sommet de la francophonie, François Hollande avait déclaré : «La francophonie est soucieuse des règles en démocratie, de la liberté du vote, du respect des lois constitutionnelles et de l’aspiration des peuples, de tous les peuples à des élections libres.» Il avait rappelé l’importance de veiller à ce que les règles constitutionnelles soient respectées permettant ainsi l’alternance des présidents à la tête des Etats. Notant que l’Afrique était particulièrement touchée par le phénomène des «présidents à vie » un éditorialiste s’est exclamé «C’est seulement lorsque tous ces records ne seront plus battables que l’on pourra considérer que le continent en a fini avec la part la plus désolante de son histoire.»
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