Au Cameroun, les leaders anglophones toujours emprisonnés
Les militants risquent la peine de mort pour avoir contesté le traitement d’« inégalité » réservé à la minorité anglophone par Yaoundé. La crise dure depuis cinq mois.
La défense de l’avocat Félix Nkongho Agbor, du professeur Fontem Neba et de l’animateur radio Mancho Bibixy, alias BBC, avait déposé une demande de mise en liberté provisoire qui devait être examinée jeudi 27 avril. Mais les juges du tribunal militaire de Yaoundé, où se tient le procès de ces trois leaders de la crise qui secoue le Nord-Ouest et Sud-Ouest, les deux régions anglophones du Cameroun depuis le 21 novembre 2016, ne se sont pas prononcés et ont renvoyé l’affaire au 24 mai. Ces trois militants sont poursuivis entre autres, avec 25 jeunes arrêtés à Buéa, Bamenda et Kumba, pour « terrorisme, rébellion, crime et délits d’opinion ». Ecroués à la prison centrale de Kondengui à Yaoundé, capitale du Cameroun, depuis plus de trois mois, ils encourent la peine de mort. Tous plaident non coupables. « Ces actes sont artificiels, s’insurge Me Claude Assira, l’un des avocats de la défense. Nous savons tous ce qu’est un acte terroriste. Quelqu’un entre dans une pièce où vous avez des gens qui sont réunis, pour assister à la messe, à une cérémonie quelconque. Il a une kalachnikov. Il arrose tout le monde », balayant ainsi l’argument du pouvoir pour maintenir emprisonnés les militants. « Des gens ont exprimé leurs convictions. Tout le monde voit bien les conditions dans lesquelles ce pays est géré et ils estiment qu’on ne peut pas continuer comme ça. Ça s’appelle une opinion et l’expression d’une opinion ne peut en aucune façon être associée à du terrorisme », ajoute l’avocat, mécontent que le procès des trois leaders ait été joint à celui de 25 manifestants arrêtés. « Il n’est pas possible de tenter autre chose ? » Malgré le maintien en détention de leurs leaders, les avocats et enseignants de la partie anglophone, qui représente 20 % des 22 millions d’habitants du Cameroun, n’ont pas cessé la grève. Les journées « ville morte » se poursuivent. Les enfants sont pénalisés et restent à la maison. Pour apaiser la situation, Paul Biya, le président de la République, a ordonné le 20 avril, le rétablissement d’Internet dans les deux régions anglophones, après trois mois de coupure. Insuffisant pour mettre un terme à la contestation. Une grande partie de la ville de Bamenda était déserte alors que se déroulait l’audience au tribunal militaire, à des centaines de kilomètres de là.. « La population dit que, tant que leurs leaders ne sont pas libérés, les enfants ne retourneront pas à l’école », raconte un journaliste vivant dans cette ville du Nord-Ouest. Pour Me Claude Assira, la libération des leaders serait le meilleur moyen pour ramener le calme. « La vie n’a pas repris son cours. Est-ce qu’il n’est pas possible de tenter autre chose ? s’interroge-t-il. Les gens vous disent toujours que ceux qui ont éveillé leur conscience sont les seuls capables de les amener à faire le contraire. Pourquoi ne pas essayer de penser qu’ils ont raison et tenter le coup ? »
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