Binationaux, la suspicion
L’engrenage identitaire
Pendant plus d’un siècle, une écrasante majorité d’États ont interdit à leurs citoyens de posséder deux passeports. La double allégeance évoquait alors la trahison, la subversion, l’espionnage. Si plus de la moitié des pays du monde sont revenus sur cette interdiction, les binationaux demeurent souvent l’objet de méfiance, c’est le cas des Franco-Algériens.
Depuis quelques années, la binationalité fait débat en de multiples endroits du globe. Dans un contexte de surenchères identitaires et de tensions géopolitiques, elle est appréhendée comme un danger pour les cohésions nationales. Durant sa campagne électorale, M. Donald Trump a fustigé les Américains liés à d’autres pays ; et son décret-loi de janvier 2017, destiné à interdire l’entrée des États-Unis aux ressortissants de sept pays musulmans. valait aussi pour ceux d’entre eux qui possèdent une autre nationalité, notamment européenne (les citoyens américains originaires de ces États ont été concernés par ce texte avant que les autorités d’immigration ne fassent machine arrière).
Pour mémoire, est binational celui qui possède une ou deux nationalités, voire davantage. Dans une étude publiée en 2008, l’Institut national d’études démographiques (INED) rappelle que « le droit français autorise la double nationalité et n’exige pas qu’un étranger devenu français renonce à sa nationalité d’origine ».
L’organisme relève aussi que, si l’on sait que « plus de 40 % des immigrés vivant en France sont de nationalité française, et que 95 % des enfants d’immigrés nés en France sont également français »,en revanche « on connaît mal les situations de double nationalité ». Faute de statistiques précises, le chiffre de trois millions de personnes est souvent avancé, mais il ne tient pas compte des binationaux qui vivent à l’étranger et qui ne sont pas toujours recensés par les consulats. Par ailleurs, certains pays européens, comme l’Allemagne, la Belgique ou les Pays-Bas, ont longtemps interdit la binationalité et exigé de leurs ressortissants naturalisés qu’ils renoncent à leur nationalité d’origine. Ces dispositions ont été abandonnées au fil du temps de manière à permettre l’intégration de populations étrangères nées sur le sol européen.
Pour les français d’origine maghrébine, on peut parler aussi de « binationalité potentielle ». Les jeunes issus de l’immigration ne l’ignorent pas.
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