MAURITANIE Le président Aziz fait des siennes
Ould Abdel Aziz l‘a dit à des sénateurs qui, eux, n’ont pas manqué de le répéter : «Vincent Bolloré m’a proposé dix millions d’euros pour que je lui confie la gestion du Port autonome de Nouakchott et j’ai, bien entendu, refusé ». Alors qu’il parlait du referendum et de la suppression du Sénat, notre guide éclairé est sorti brusquement du sujet. Pour dire combien le pouvoir est tentant ? Ou pour démontrer qu’il est, lui, incorruptible ? Ses interlocuteurs, qui ne savaient pas quoi en penser ni dire, restèrent cois. Mais, dès la fin de l’audience, l’information se répandit comme une traînée de poudre, la discrétion n’étant pas le fort de nos parlementaires. Comment un homme d’affaires, fût-il français, peut atteindre un tel degré d’arrogance, jusqu’à proposer ouvertement à un président, fût-il africain, de le soudoyer ?
Pourquoi le Président n’a-t-il pas sévi, automatiquement, contre l’impudent, pour le punir selon les lois anti-corruption ? Pourquoi l’a-t-il poliment éconduit ? S’il ne savait pas que c’était possible, Bolloré aurait-il tenté cette opération ? Celui qui écume les palais présidentiels africains et traite, parfois directement, avec leurs locataires est tout, sauf un enfant de chœur. C’est un homme averti qui ne s’embarrasse pas de faux-semblants. Il s’est certainement beaucoup renseigné sur nous et sur notre président dont le goût prononcé pour les affaires n’est plus que secret de Polichinelle. Un député libyen n’a-t-il pas affirmé qu’en échange de Senoussi, son pays a versé 200 millions d’euros à la Mauritanie et 25 millions à la présidence de la République, devenue, du coup, une institution indépendante qui reçoit des fonds en dehors des circuits officiels ? C’est dans ce créneau que Bolloré a sans doute voulu s’engouffrer.
Dans un pays où tout se monnaye, où n’importe quel marché, petit ou grand, donne lieu à des commissions occultes, versées toujours aux mêmes ; où, pour s’implanter, il faut être adossé à un membre du « clan », rien de surprenant à ce qu’un homme d’affaires, étranger de surcroît, se risque à proposer de l’argent frais à son président. Il n’est pas passé par quatre chemins, le Bolloré : directement à la source, squeezant tous les sous-fifres ! Les Français ne disent-ils pas qu’il vaut mieux avoir affaire à Dieu qu’à ses saints ? Sous d’autres cieux, où dignité et respect de la chose publique veulent encore dire quelque chose, cette affaire ne se serait pas arrêtée là. Elle aurait donné lieu à un scandale et des poursuites judiciaires seraient automatiquement engagées contre l’auteur de la proposition. Pas si indécente que ça, au final. Sinon, elle n’aurait jamais été formulée.
Cherchez la faille !
Ahmed ould Cheikh
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