Aigle Azur
Il a certes duré un peu plus long- temps (en plus d’avoir réussi provisoirement) que celui entre- pris par le fantasque lieutenant Kelly Ondo Obiang en janvier der- nier contre le chef de l’Etat gabonais Ali Bongo Ondimba, il n’en reste pas moins que le putsch effectué lundi dernier par Gérard Houa et Philippe Bohn relevait plu- tôt de l’opérette.
Il y a trois jours, Houa, propriétaire de Lu Azur, société elle-même détentrice de 19 % des actions d’Aigle Azur, et Philippe Bohn, bien connu des Sénégalais, débarquaient sans ménagement l’équipage aux commandes de la deuxième compagnie aérienne pour le nombre de passagers transportés (1.880.000 l’année dernière). Or, Houa, on l’a vu, est actionnaire très minoritaire aux côtés de l’homme d’affaires américain David Neelemen (32 % des actions) et, surtout, du groupe chinois HNA (49 %). Aigle Azur traversant une situation financière catastrophique avec plus de 50 millions d’euros (32,500 milliards CFA) de pertes d’exploitation entre novembre 2017 et juin dernier, Gérard Houa a donc eu beau jeu de se présenter, dans un communiqué, comme un sauveur car ayant réussi à mobiliser 50 millions d’euros. En plus de cette cagnotte, il met en place une nouvelle équipe pour le management avec lui au fauteuil de président et Philippe Bohn aux manettes comme directeur général.
Après avoir été débarqué avec pertes et fracas de la direction d’Air Sénégal en avril dernier, l’ancienne barbouze Bohn reprenait donc du service aux commandes d’une compagnie beaucoup plus grande car disposant d’une flotte composée d’un A 319-111, huit A 320 224 et de deux A 330- 333. Normal, Bohn, ancien représentant commercial d’Airbus, ne travaille qu’avec des appareils de cet avionneur ! Nous sommes bien placés au Sénégal pour en savoir quelque chose… Une compagnie, surtout, qui compte 1200 employés, autant dire que là, vraiment, il jouait dans la cour des grands. On est loin d’Air Congo et de son unique appareil !
En exécutant leur coup d’Etat d’opérette, Houa et Bohn ont sans doute dû oublier qu’ils n’avaient pas affaire à de vulgaires dirigeants politiques africains mais à des businessmen chinois et américains et surtout, surtout, à des compatriotes français comme eux qu’ils ont voulu renverser un peu comme les bar- bouzes françaises l’auraient fait de chefs d’Etat de notre continent. Refusant de se laisser faire, le président « débarqué », Frantz Yvelin, sans doute soutenu par les actionnaires américain et chinois, à savoir David Neeleman et le groupe HNA, a saisi le tribunal de commerce de Créteil.
Et comme dans le pays où ce feuilleton s’est passé, la France, il y a une vraie justice, le tribunal de commerce de Créteil a réagi promptement en nommant un administrateur provisoire comme le demandait Yvelin. Sans tarder, des policiers ont été dépêchés hier au siège d’Air Azur pour demander au duo Gérard Houa et Philippe Bohn, qui n’avait pas encore fini d’ouvrir ses cartons, de débarrasser les lieux. Le coup d’Etat a duré juste quarante-huit heures…
Il n’y a pas que le lieutenant Kelly Ondo Obiang qui est manchot ! Si nous évoquons cette affaire, c’est bien sûr pour donner à nos lecteurs, et aux Sénégalais d’une manière générale, des nouvelles de Philippe Bohn qui avait été signalé à Dubaï quelques semaines après son atterrissage forcé de la tête d’Air Sénégal. Mais c’est surtout pour interpeller les autorités sénégalaises par rapport au statut de Philippe Bohn qui a été nommé administrateur indépendant de notre compagnie nationale après son limogeage. Or, il nous semble bien que cette fonction soit incompatible avec celle de directeur général d’une compagnie concurrente de la même Air Sénégal. A tout le moins, il y a là un conflit d’intérêts. Macky Sall prendra-t-il enfin son courage à deux mains pour mettre fin à cette heu…anomalie ?
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