Fête du travail
Le jeudi 28 mars 2018, quatre vingt dix sept employés des Salins du Sine Saloum étaient licenciés pour avoir dénoncé leurs conditions de travail précaires. Ce mercredi 1er mai, regroupés au sein d’un collectif, ils ont célébré la fête du Travail par une marche pacifique afin d’exiger un traitement diligent de leur dossier toujours pendant au tribunal du Travail.
Khalifa Dieng, le président du collectif est revenu sur les conditions inhumaines qui ont été à la base de leur révolte suivi de leur licenciement. « Le personnel du poste d’arrimage de Koutal, et celui d’ensachage semi-automatique de Kaolack, où officiaient 4 ouvriers, a été diminué par le chef de service sans aviser les travailleurs. Autrement dit, l’entreprise a augmenté unilatéralement la charge de travail sans aucune compensation financière. Un ouvrier à qui elle a toujours payé 3000 francs CFA, devait charger 2880 sacs de 25 kg soit 72 tonnes en 8 heures de travail alors que l’entreprise gagnait 3 millions 24 milles francs, parce qu’elle vendait la tonne à 42 milles francs. Nous avons refusé, et on nous a licenciés », dit-il.
Âgé seulement d’une quarantaine d’années, Ibrahima Diakhaté, une énorme masse de muscle, la mine éreintée par des années de labeur aux Salins du Sine Saloum, témoigne. « J’ai travaillé au niveau du pointage des camions et des bateaux, j’avais de la force, maintenant je suis devenu une loque humaine. Comme un citron, les Salins m’ont pressé à sec. Des milliards de revenus annuels ont défilé sous mes yeux, pourtant j’ai été toujours dans la précarité totale à l’image de tous mes camarades. Avec le licenciement abusif dont j’ai été victime, la situation a empiré, la dépense quotidienne n’est plus assurée. Comment un étranger a-t-il eu le droit d’avoir de tels comportements sans être puni ? Nous sommes en 2019, l’esclavage a été aboli depuis longtemps. Avec plus de dix ans de travail à raison de 56 heures par semaine, on était plus des journaliers mais des permanents donc on réclame notre dédommagement », crie-t-il.
Cheikh Ibrahima Diop, les yeux derrière des lunettes de soleil noires, un look qu’il arbore depuis son opération de la cataracte, raconte, lui aussi, son calvaire : « ma maladie, je l’ai contractée à cause de mes 11 ans de corvée sous le chaud soleil des Salins du Sine Saloum, à côté de l’iode dégagé par les montagnes de sel, là où je trimais sans masque ni gants. Huit heures de travail, en station debout, sous 45° à l’ombre, ça rend malade ».
Continuant son récit, le père de famille déplore le manque de couverture sanitaire à l’entreprise. « C’est avec ma paie que j’achetais des médicaments en cas de besoin. À l’infirmerie, à part deux comprimés de paracétamol, aucune autre forme de soin n’était assurée pour le journalier que j’étais », dénonce-t-il.
« De 2007 à 2018, j’étais à Koutal. Nous étions 11 éléments au niveau de notre chaîne, avec nos bascules chacun pesait quotidiennement au minimum 20 palettes soit 35 tonnes en 8 heures. Un travail pénible qui a engendré des maladies graves chez beaucoup de mes camarades« , confesse Cheikh Tidiane Dramé qui, comme l’ensemble de ses camarades de fortune, appelle toutes les autorités religieuses à s’impliquer pour un dénouement heureux de leur cas.
Depuis le 17 juillet 2018, le dossier a été enrôlé par la Justice après moult tentatives de conciliation. Après quinze audiences, le dilatoire semble être la ligne de défense des Salins du Sine Saloum, mais c’est sans compter avec la détermination des travailleurs qui ne comptent pas baisser les bras. Ils veulent mener ce combat pour honorer la mémoire de leur compagnon Oumar Sy, le vigile assassiné aux Cours Privés Mboutou Sow la nuit du 9 janvier 2019. « Assailli pour les charges familiales, il avait voulu voir autre chose en attendant que notre situation se décante. Hélas, il a laissé derrière lui femme et enfants ! « , conclut, , avec un soupir de regret, leur président Khalifa Dieng.
Medianet.sn
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