Deuxième mandat de Macky
Macky est attendu sur la satisfaction des alliés qui l’ont aidé à reconquérir le pouvoir. Cependant, il ne doit pas perdre de vue que toute erreur de casting dans le choix de ses futurs ministres peut provoquer une perception négative de l’orientation de son second mandat et partant un désenchantement total.
Selon l’urgence et les priorités du moment, les équipes gouvernementales peuvent être de nature technocrate, politicienne ou encore partisane. Sous le président Wade par exemple, le dernier gouvernement a été principalement composé de juristes à qui étaient confiés les ministères-clé.
Le choix du premier ministre en la personne de Souleymane Ndéné Ndiaye, ajouté à celui des ministres de l’intérieur Ousmane Ngom et de la justice Cheikh Tidiane Sy pouvait suffire pour anticiper sur l’orientation de la dernière équipe gouvernementale du président Wade.
La nomination des praticiens du droit à ces départements sensibles a pu préparer et faciliter le forcing du troisième mandat à travers la légalisation par le conseil constitutionnel et la répression des manifestations par les hommes de Maitre Ngom. Il faut dire que dans ce dernier gouvernement de Wade, les avocats n’ont pas chômé et certains comme Maitre Elhadj Diouf ont pu être soit devenir ministres soit occuper des postes stratégiques. Tout simplement parce que Wade avait besoin de querelleurs et de faire-valoir pour s’arracher un troisième mandat.
Les gouvernements sous Macky Sall : entre technocratie et clientélisme politique
A l’instar du choix d’Adjibou Soumaré comme cinquième chef du gouvernement de Wade, le dévolu jeté sur Abdoul Mbaye pour conduire la première équipe gouvernementale sous Macky Sall était porteur d’espoir puisqu’il s’agissait là d’un technocrate. Désireux de travailler sans verser dans le clientélisme, dans un contexte où l’économie du pays semblait avoir touché le fond, le président Macky Sall n’avait d’autre choix que de nommer un banquier pour rassurer le peuple et s’assurer que des résultats suivront.
Ce qui avait fini par plomber cette option audacieuse d’un PM jusque-là apolitique, c’était cette fameuse théorie de « gagner ensemble, gouverner ensemble » si chère à Ousmane Tanor Dieng. Le président Sall devait ainsi satisfaire la boulimie des partis de sa grande coalition dont la plupart qui réclamaient des postes n’existaient que de nom.
Ainsi dans ce premier gouvernement, des erreurs de casting ont vite été repérées et conséquemment corrigées. Des ministères tels que le département de l’éducation confié à Ibrahima Sall, l’intérieur octroyé à Mbaye Ndiaye et même l’enseignement supérieur sous la tutelle de Serigne Mbaye Thiam entre autres ont dû changer de main pour plus d’efficience et d’efficacité.
A vrai dire, pour lesdits ministères, il n’y avait pas l’homme qu’il faut à la place qu’il faut. Le désir de partage du butin avec les alliés avait prévalu sur l’obligation de mettre à contribution les meilleurs profils pour la construction du pays. C’est exactement sous cet angle qu’il faut lire la nomination de Youssou Ndour à la tête du ministère du tourisme dans le gouvernement d’Abdoul Mbaye. Erreur de casting ne pouvait être plus flagrante car l’artiste planétaire a démontré qu’il n’était pas assez qualifié pour diriger un ministère.
Les changements de ministère intervenus dans le gouvernement d’Aminata Touré et de Boun Abdallah Dionne obéissaient aussi à cette logique de sauvegarde de la coalition ; d’où la reconduction de ministres dont le travail n’a cessé d’être décrié et la mise au placard de certains au bilan élogieux.
Le maintien de Serigne Mbaye Thiam à la tête du ministère de l’éducation par exemple, le changement de ministère puis l’exclusion de Mansour SY qui a trouvé de bons accords avec les syndicats en tant que chef du département du Travail et Dialogue Social, et le renvoi de l’excellente ministre de la santé Awa Marie Colle Seck illustrent parfaitement ce manque de rigueur dans le choix des ministres.
Le ministère de l’éducation est ainsi resté un département à problèmes tout le long du septennat passé et celui de la santé a cessé d’être stable avec la nomination à sa tête d’Abdoulaye Diouf Sarr. Par contre, les ministères occupés par les hommes du sérail à l’instar de Mary Teuw Niane (enseignement supérieur), Makhtar Cissé (énergie) et Aminata Mbengue Ndiaye (élevage) ont connu de grandes avancées.
Pour le prochain gouvernement, il faut s’affranchir de la coalition et faire les meilleurs choix
Rien que la liste nominative des ministres pourra nous édifier le moment venu sur l’orientation du président Macky Sall pour son prochain quinquennat. Conformément à ses promesses de campagne et aux contours de la phase 2 du Plan Sénégal émergent (PSE), on devrait s’attendre à des ministres choisis surtout pour leur compétence.
Etant à son dernier mandat, Macky Sall peut faire sa liste de ministres à tête reposée car toute pression de la part de ses alliés ne saurait qu’être stérile. Après la victoire à l’élection présidentielle, tous les partis politiques, comme si l’on était dans une armée de chasseur, réclament leur part du butin. Le président Sall ne devra pas céder par rapport à cela car beaucoup d’erreurs ont été faites à cause de cette volonté de ménager le troupeau.
Avec les transhumants à satisfaire et les alliés qui réclament un plus grand quota, former un gouvernement devient un casse-tête plus compliqué à résoudre. Quelle que puisse être la composition de la prochaine équipe gouvernementale, il y aura des grincements de dents de la part de ceux qui attendent un retour d’ascenseur.
Nombre de transhumants ont été ministres et attendent un retour sur investissement de leur ralliement. Et chercher à les contenter en omettant de mettre en avant les critères de la compétence relèverait d’un pur tâtonnement. Le cas du Parti de l’indépendance et du Travail (PIT) avec le remplacement de Mansour Sy par le secrétaire général du même parti, Samba Sy, en est une éloquente illustration.
Il s’agit là d’un « ôte-toi-là-que-je-m’y-mette », d’une substitution peu opportune et très maladroite au vu des résultats obtenus par l’ancien ministre du travail, ne serait-ce que la stabilité du front social obtenue après de sérieuses négociations avec les syndicats.
Réduire la pléthore de ministres conseillers et remanier les ministères à problèmes
S’il y a des ministères qui devraient changer de patron, le tourisme, l’éducation, la santé et la justice ne devraient pas être exception. Le département du tourisme est sous la tutelle d’un ministre réputé pour son inculture et surtout son ignorance de la géographie, élément essentiel pour faire fructifier le secteur en question.
Quant aux trois autres secteurs, ils représentent les trois poumons grâce auxquels un pays parvient à respirer, s’ils sont bien entretenus. En effet, l’éducation, la santé et la justice constituent le triangle dont les contours, s’ils sont bien représentés, produisent un sentiment de protection, de satisfaction et de bénédiction.
Cependant, il est à noter que ces trois départements ont été les plus agités lors du quinquennat passé. Des grèves cycliques ont été notées et jusqu’ici la situation qui prévaut n’est pas porteuse d’espoir : soit des préavis déposés sont arrivés à expiration ou bien des mots d’ordre sont tout simplement suspendus en attendant qu’un nouveau gouvernement se forme.
Qu’à cela ne tienne, la santé, l’éducation et la justice sont malades dans notre pays et méritent toutes d’être placées entre des mains plus expertes et davantage magnanimes. La sourde oreille dont font montre les ministres Serigne Mbaye Thiam, Ismaila Madior Fall et Abdoulaye Diouf Sarr envers leurs administrés est tout simplement un manque de considération à ces vaillants travailleurs mais aussi aux usagers de ces secteurs qui paient toujours les pots cassés de ces grèves sans fin.
Le président Macky Sall devra également réajuster ses ministres conseillers dont la plupart n’ont même pas accès à lui. Ce genre de promotion, à la base clientéliste, coûte très cher aux contribuables. En vérité, les ministres conseillers vivent aux frais de la princesse et leurs rôles ne se ressentent absolument pas dans un pays qui compte déjà un Conseil économique social et environnemental (CESE) ainsi qu’un Haut conseil des collectivités territoriales (HCCT). De même que les ministres conseillers, les secrétaires d’Etat peuvent disparaître puisqu’ils interviennent dans des secteurs qui ont un ministère et des agences à n’en plus finir.
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