Drugstore Publicis
Le procès de Carlos s’ouvre enfin 43 ans après.
En 1974, deux personnes avaient été tuées et 34 autres blessées par l’explosion d’une grenade. Ilich Ramírez Sánchez risque la réclusion criminelle à perpétuité.
Il a trois semaines pour se souvenir des faits et livrer sa vérité. Pour la dernière fois, Carlos comparaît devant les juges. Il y a 43 ans, l’attentat du Drugstore Publicis à Paris faisait deux morts et des dizaines de blessés. Ce lundi 13 mars, le Vénézuélien Carlos comparaît devant une cour d’assises spéciale pour « assassinats en relation avec une entreprise terroriste ». Figure du terrorisme internationaliste des années 1970-1980, le Vénézuélien de 67 ans sera jugé pendant trois semaines par une cour composée de magistrats. L’attentat, perpétré au croisement du boulevard Saint-Germain et de la rue de Rennes, est le plus ancien que lui reproche la justice française, le dernier pour lequel il comparaîtra en France. Le 15 septembre 1974 en fin d’après-midi, deux personnes avaient été tuées et 34 autres blessées par l’explosion d’une grenade lancée dans l’enceinte de l’ancien Drugstore Publicis, à l’angle du boulevard Saint-Germain et de la rue de Rennes. Un peu vieilli, blanchi, amaigri mais souriant et élégamment vêtu d’une veste ornée d’une pochette rouge, Carlos a fait son apparition dans le box des accusés. Il a observé la salle, baisant la main de son avocate, Isabelle Coutant-Peyre, avec laquelle il s’est marié religieusement, avant d’adresser des baisers aux journalistes.
14 tomes de procédure
Lors du procès, le président François Sottet et ses six assesseurs doivent entendre 17
témoins et deux experts de ce dossier qui totalise 14 tomes de procédure. Carlos est passible de la réclusion criminelle à perpétuité. Mais le Vénézuélien, incarcéré en France depuis son arrestation au Soudan par les services français en 1994, a déjà été condamné à deux reprises à la peine maximale pour le meurtre
de trois hommes, dont deux policiers en 1975 à Paris, et pour quatre attentats à l’explosif qui avaient fait onze morts et près de 150 blessés en 1982 et 1983, à Paris, Marseille et dans deux trains. Le procès aura donc pour enjeu d’apporter un éclairage historique et de répondre à l’attente des victimes.
« Enfin un procès ! Les victimes attendent depuis si longtemps que Carlos soit déclaré coupable et condamné, leurs plaies ne se sont jamais refermées»
a salué Me Holleaux, représentant 18 d’entre elles dont les veuves des deux hommes tués dans l’attentat. Au total, vingt-sept du Drugstore se sont constituées parties civiles aux côtés de 3 organisations : l’Association française des victimes du terrorisme (AfVT), l’Association des familles de l’attentat du DC10 et la Fédération nationale des victimes d’attentats et d’accidents collectifs (FENVAC). « Quel est l’intérêt de faire ce procès si longtemps après les faits.
« C’est extravagant »,
a dénoncé de son côté Me Isabelle Coutant-Peyre, l’avocate de Carlos, qu’elle a épousé religieusement en 2001, rappelant qu’il réfute les accusations portées contre lui.
Faire plier le gouvernement français
La tenue même de ce procès a été contestée par la défense qui invoquait la prescription des faits. Mais au terme d’une bataille procédurale, la justice a rejeté l’argument estimant que cette prescription a été interrompue par les actes de procédure accomplis dans les autres dossiers Carlos, les faits s’inscrivant « dans la persévérance d’un engagement terroriste ». Dans une interview parue fin 1979 dans le magazine Al Watan Al-Arabi, Carlos avait reconnu avoir jeté la grenade. Mais il a contesté lors de l’instruction avoir donné cet entretien. Pour l’accusation, l’attentat s’inscrivait dans le contexte d’une prise d’otages en cours à l’ambassade de France à La Haye. Un commando de l’Armée rouge japonaise (ARJ), émanation du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) dont Carlos était membre de la branche « opérations spéciales », exigeait la libération d’un de ses membres interpellé à l’aéroport d’Orly deux mois plus tôt. Maître d’œuvre de la prise d’otages de La Haye, Carlos aurait pris l’initiative de jeter la grenade pour faire plier le gouvernement français.
Il parvint à ses fins, le détenu japonais fut libéré et put rejoindre Aden (Yémen) avec les autres membres du commando de La Haye. L’accusation se fonde également sur les témoignages d’anciens compagnons de route de Carlos. Les enquêteurs ont aussi reconstitué le circuit de la grenade utilisée pour l’attentat qui provenait du même lot, volé en 1972
dans un camp militaire américain, que celles utilisées par les preneurs d’otages de La Haye ou celle découverte à Paris chez la maîtresse de Carlos.
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