Rétention du fichier électoral
« L’article L.48 de la Loi n° 2017-12 du 18 janvier 2017 garantit aux partis d’opposition un droit d’accès au fichier électoral : aucun délai n’est imposé. »
Les dispositions de l’article L.11 du Code électoral exigent la remise du fichier électoral aux différentes parties «15 jours au moins avant le scrutin ». Invoquant cet article, le Ministre de l’Intérieur, a souligné que « la loi ne permet pas aux partis d’opposition de consulter le fichier électoral ». Une analyse de l’article L.48 de la Loi n°2017-12 du 18 janvier 2017 portant Code électoral prouve que l’argumentaire d’Aly N’Gouille N’DIAYE est infondé, car il ne repose sur aucun fondement juridique. En effet, le Ministre de l’Intérieur confond 2 dispositions distinctes : le droit d’accès au fichier électoral pour tous les partis politiques, et la loi qui oblige l’autorité administrative à transmettre le fichier aux candidats, avec un délai.
La loi contraint les autorités administratives à transmettre le fichier électoral aux partis
Aux termes de l’article L.11 de loi électorale, la Commission Nationale Electorale Autonome (CENA) doit « veiller à ce que la liste des électeurs par bureau de vote, soit remise quinze (15) jours au moins avant la date du scrutin, aux candidats et aux listes de candidats, sur support électronique et en version papier ». Les dispositions de l’article L.11 sont très claires : le fichier électoral doit être obligatoirement transmis aux candidats et aux listes de candidats, 15 jours avant la date du scrutin. Les autorités administratives doivent accomplir cette formalité obligatoire, sans que les candidats n’aient aucune démarche à effectuer.
L’article L.48 garantit aux partis d’opposition un droit d’accès au fichier électoral
Comme le dispose l’article L.48 du code électoral « Le Ministère chargé des Elections fait tenir le fichier général des électeurs, en vue du contrôle des inscriptions sur les listes électorales. La C.E.N.A ainsi que les partis politiques légalement constitués ont un droit de regard et de contrôle sur la tenue du fichier ». Les dispositions de l’article L.48 ne souffrent d’aucune ambiguïté : d’une part, elles garantissent aux partis d’opposition un droit d’accès au fichier et d’autre part, elles ne prescrivent aucun délai. Le droit d’accès au fichier électoral revêt une double signification : 1) le droit de consulter le fichier électoral ; et 2) le droit d’exercer un contrôle sur toutes les modifications apportées à ce fichier. A la différence de l’article L.11 où l’autorité administrative est tenue de transmettre aux partis le fichier électoral, le droit d’accès au fichier électoral, implique une saisine officielle des autorités administratives pour faire valoir ce droit. Lorsqu’elle est saisie sur le droit d’accès au fichier électoral, tel que prévu par l’article L.48 du code électoral, le Ministère de l’Intérieur doit se conformer à la loi. La consultation du fichier électoral est de droit. Elle peut se dérouler dans les locaux du Ministère de l’Intérieur, détenteur du fichier, en présence du demandeur (parti politique ou candidat indépendant), d’un membre de la CENA, et d’un représentant du Ministre de l’Intérieur, chargé d’organiser les élections. Il convient de préciser qu’à aucun moment, l’article L.48 ne fait référence aux « candidats ». L’article L.48 dispose de manière claire que « La C.E.N.A ainsi que les partis politiques légalement constitués ont un droit de regard et de contrôle sur la tenue du fichier ». En invoquant l’article L.11 du code électoral pour rejeter la requête des partis d’opposition, tendant à l’accès au fichier électoral, le Ministre de l’Intérieur a violé de manière flagrante les dispositions de l’article L.48.
La rétention du fichier électoral viole la Constitution et saborde le parrainage
Le Préambule de la Constitution énonce clairement « la volonté du Sénégal d’être un Etat moderne qui fonctionne selon le jeu loyal et équitable entre une majorité qui gouverne et une opposition qui représente un pilier fondamental de la démocratie et un rouage indispensable au bon fonctionnement du mécanisme démocratique ». Le parrainage citoyen repose sur un principe : tout citoyen électeur peut parrainer un candidat de son choix. Pour parrainer, il faut obligatoirement être électeur. Or, l’unique support du parrainage, c’est le fichier électoral. qui permet l’identification de potentiels parrains et l’organisation de la campagne de collecte des signatures. La rétention du fichier électoral est un acte antidémocratique d’une extrême gravité qui porte atteinte à l’égalité de traitement entre les candidats (un principe consacré par le Préambule de la Constitution) et saborde complétement le parrainage. A 4 mois du scrutin présidentiel, le parti au pouvoir est seul à disposer du fichier électoral, confortant la thèse selon laquelle il existe plusieurs fichiers, dont le fichier officiel inaccessible, détenu par Macky SALL, via son Ministre de l’Intérieur, Aly NGOUILLE N’DIAYE qui a déclaré publiquement œuvrer pour la réélection de son candidat, par tous les moyens.
Il existe une incohérence entre la loi sur le parrainage et la loi L.11 du code électoral
La loi n°2018-22 du 04 juillet 2018 portant révision du Code électoral a modifié plusieurs articles de la Loi n°2017-12 du 18 janvier 2017 portant Code électoral (L.3, L.54, L.57, L.68, L.70, L.115, L.116, L.118, L.119, L.121, L.122, L.132, L.138, L.145, L.170, L.176, L.197, L.232, L.239, L.266, L.275, L.303, L.304, L.329 et L.335 du Code électoral). Paradoxalement, l’article L.11 portant sur l’obligation de transmission du fichier électoral n’a fait l’objet d’aucune modification. Le maintien de la disposition selon laquelle le fichier doit être remis, 15 jours avant le scrutin est insensé car ce n’est qu’après que le Conseil Constitutionnel ait établi la liste des candidats aux présidentielles que le fichier électoral sera transmis aux candidats. En d’autres termes, des candidats peuvent être éliminés, en amont, pour insuffisance de parrains, tout simplement parce qu’ils ne disposaient pas du fichier adéquat ! Ce qui est d’une absurdité confondante. En toute logique, l’article L.11 aurait dû être modifié pour permettre à ce que le fichier électoral soit mis à disposition, en même temps que les supports de parrainage. Naturellement, une telle modification n’arrange pas le régime dont les intentions sont suspectes. Le fichier électoral n’est pas estampillé « secret d’Etat » et ne comporte aucun élément qui justifie une rétention. Pour l’opposition, le non-respect des dispositions de l’article L.48 du code électoral constitue une opportunité pour invalider le parrainage :
Adresser une lettre recommandée, avec accusé de réception au Ministre de l’Intérieur pour exiger le droit d’accès au fichier électoral, tel que prévu par l’article L.48 du code électoral,
En cas d’élimination pour insuffisance de parrains, joindre à l’appui de la requête déposée au niveau du Conseil Constitutionnel, le courrier transmis au Ministre de l’Intérieur, prouvant qu’il a violé expressément la loi électorale (L.48) et le Préambule de la Constitution (principe d’égalité de traitement entre candidats).
En conclusion, il y a lieu de faire une distinction claire entre l’article L.11 qui impose un délai pour la mise à disposition du fichier électoral et l’article L.48 qui garantit aux partis légalement constitués, un droit d’accès (consultation) au fichier électoral : un droit incontestable. Cet argument est celui de l’opposition et de ses juristes. Medianet.sn
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