Coordination des organisations des réfugiés mauritaniens au Sénégal

Read Time:6 Minute, 43 Second
Ils sont dépossédés de leurs documents d’état civil et faisant d’eux des apatrides de jure. Cette déportation sera accompagnée de purges à caractère raciste dans l’armée mauritanienne, d’actes de pillage, d’expropriations à grande échelle, de viols, de rapts, d’enfants, d’enlèvements, de disparitions forcées et d’exécutions extrajudiciaires.
Toutefois, il est surprenant de constater que la première réprimande internationale concernant ce génocide ne soit intervenue qu’en 2000, lors de la session de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples tenue à Alger. Après 11 ans d’âpres combats. .
Les recommandations issues de cette dite session sont encore d’actualité. A ce propos, la Commission reconnaît que dans la période allant de 1989 à 1992, des violations massives des droits de l’homme, telles qu’énoncées dans la charte africaine des droits de l’homme et des peuples, ont été perpétrées.
A cet égard, la cadhp recommande au gouvernement mauritanien :
d’ordonner l’ouverture d’une enquête indépendante à fin de clarifier le sort des personnes disparues; d’identifier et de traduire en justice les auteurs des violations perpétrées à l’époque des faits incriminés ; de prendre des mesures diligentes en vue de la restitution de leurs pièces nationales d’identité aux ressortissants mauritaniens auxquels celles-ci ont été retirées au moment de leur expulsion ;
assurer le retour de ceux ci en Mauritanie ; ainsi que la restitution de leurs biens dont ils ont été spoliés lors de la dite expulsion.
Par ailleurs, après 16 ans de déni de citoyenneté, il a fallu attendre l’occasion d’une transition politique, pour que soit reconnue l’existence des réfugiés mauritaniens. C’est dans ce contexte, qu’en novembre 2007 fut signé à Nouakchott un  accord tripartite liant la Mauritanie, le Sénégal et le Haut Commissariat des nations unies pour les réfugiés .
Cet accord sert de cadre juridique au rapatriement. Il énonce des principes fondamentaux relatifs, entre autres, au droit au retour, à son  caractère volontaire et librement consenti, à la protection de l’unité familiale, au rapatriement dans la sécurité et la dignité.
Les parties s’engagent sur la base d’une répartition précise des responsabilités, à  prendre des dispositions nécessaires pour la réussite du processus.
Force est de constater qu’au regard de l’accord , la Mauritanie a, manifestement, violé ses dispositions directrices comme en témoignent :  la suspension de la délivrance des pièces d’état civil aux rapatriés ;
l’échec de l’insertion socio-économique ;
la récurrence de la question foncière touchant ces rapatriés ayant perdu leur propriétés et terres de cultures et d’élevage.
Pourtant  l’article 9 dudit Accord engage la Mauritanie à réparer les préjudices subis par les réfugiés du Sénégal une fois rapatriés. Par ailleurs, la Mauritanie procède à l’arrêt des opérations de rapatriement décidé sans qu’aucune information ne soit donnée aux parties prenantes et sans justification. Et le comble, elle acte son retrait unilatéral de l’accord tripartite le 30 mars 2012.
La communauté internationale appelle la Mauritanie au respect de ses engagements internationaux et  des Conventions et protocoles en tant qu’État partie.  C’est dans ce cadre, que le Comité des droits de l’homme des nations unies recommande à la Mauritanie, en 2022,dans son deuxième examen périodique universel ( EPU) : de mettre fin à l’impunité liée aux violations passées des droits de l’homme.
C’est dans ce contexte que des milliers de réfugiés mauritaniens au Sénégal ont dû sursoir à leurs rapatriements, en attendant des conditions meilleures. Cela en dépit des politiques d’intégration au Sénégal qui ont montré leurs limites. La coordination des associations des réfugiés mauritaniens au Sénégal a exposé, en 2023, dans un rapport détaillé, les limites de cette politique  qui témoignent des problèmes socio-économiques difficiles qui accompagnent leur quotidien . En effet ce rapport mentionne les difficultés suivantes liées  aux conditions socio-économiques des réfugiés mauritaniens vivant au Sénégal et à leurs situations administratives.
I- la situation administrative
a) les réfugiés mauritaniens voudraient que les autorités sénégalaises et le Haut commissariat pour les réfugiés soient informés de l’expiration de leurs documents d’identification et de leur validité ; ceci touche une part importante de réfugiés. La durée de validité des cartes d’identité de  réfugié valant autorisation de séjour est , pour l’essentiel, dépassée
b) la non délivrance de titre de voyage conventionnel, bien qu’il existe une commission chargée de la délivrance dudit document. A celà, il faut ajouter la difficulté d’acquisition de documents administratifs comme le permis de conduire.
c) l’existence de réfugiés non recensés
d) la non-reconnaissance de la carte de réfugié, bien que le ministère de l’intérieur a émis une lettre- circulaire portant No 004038 du 26/6/2015 demandant une meilleure vulgarisation de cette carte et son acceptation dans toutes les administrations notamment par les agents des forces de sécurité et des établissements bancaires ou financier.
II- les conditions de vie
a) accumulation des arriérés de loyers
b) les problèmes liés à la promiscuité en raison des espaces d’habitats réduits
c) difficulté lié à l’accès aux soins de santé suite à l’échec de la mise en place d’une mutuelle de santé jugée trop chère.
d) la non prise en compte du suivi des malades chroniques et des handicapés
e) l’absence de l’assistance sociale bien que l’écoute de la part des services sociaux en direction des intéressés est quand bien même assurée.
f) éducation
    – difficultés liées au remplacement de bourse scolaire par une simple aide.
  – une diminution drastique des bourses de l’enseignement secondaire
  – imposition de la nationalité sénégalaise s aux élèves et étudiants réfugiés lors de leur passation aux examens et du retrait de leurs diplômes ; et ceci sans leur consentement et celui de leurs parents.
  – le retard de payement des bourses octroyées aux formations professionnelles portant préjudice aux bénéficiaires et impactant sur des familles vulnérables
  – difficultés d’accès au stage et à l’emploi après la formation.
Au regard de ce qui précède et notamment en ce qui concerne les manquements concernant les droits des réfugiés : Nous réfugiés mauritaniens au Sénégal rappelons au pays hôte ses engagements tant nationaux qu’internationaux concernant le droit d’asile, du statut des réfugiés et des apatrides et de leurs droits.
Aussi faut-il rappeler que à ce propos que l’État du Sénégal a renouvelé ses engagements dans le cadre d’une réforme législative opérée pour une meilleure prise en charge des droits des réfugiés et des au personnes en situation d’apatrides à travers la loi No 2022-01 du 14 Avril portant statut des réfugiés et apatrides .
L’article 14 de cette loi stipule que toute personne reconnue réfugié ou apatride reçoit une carte d’identité de réfugié ou d’apatride dont la caractéristique, la durée de validité et les modalités de délivrance et de renouvellement sont fixés par décret. Les réfugiés et apatrides ont droit, en outre à l’établissement du titre de voyage prévu par la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, de la convention de l’OUA du 10 septembre 1969 relative des réfugiés, la convention de New York du 28 septembre 1954 relative au statut des apatrides…
Aussi, priver les réfugiés mauritaniens qui demandent incessamment des titres de voyage, c’est porter atteinte à leur droit de circulation que leur garantit l’article 12 de loi No 222-01 susmentionnée. De même que celle-ci garantit aux réfugiés, entre autres, les droits d’accès à la sécurité sociale et à la protection sociale, le droit au logement, le droit à l’éducation, le droit de transférer des avoirs….
En conclusion, Nous réfugiés mauritaniens au Sénégal demandons l’application rigoureuse des conventions et protocoles relatifs au statut des réfugiés et apatrides. Par ailleurs, nous demandons au Haut commissariat des nations unies pour les réfugiés et l’État du Sénégal d’user des moyens dont ils disposent afin d’assurer la protection des réfugiés et de nous aider à trouver des solutions durables. Il existe trois solutions durables que sont le Rapatriement volontaire, l’Intégration locale et la Réinstallation dans un pays tiers. Concernant la troisième solution et au regard du caractère très vulnérable de la communauté des réfugiés mauritaniens, nous voudrions que le Sénégal et le HCR  sollicitent leurs partenaires internationaux afin que des membres  de cette communauté  puissent bénéficier de la réinstallation afin d’espérer construire une vie meilleure.
Happy
Happy
0 %
Sad
Sad
0 %
Excited
Excited
0 %
Sleepy
Sleepy
0 %
Angry
Angry
0 %
Surprise
Surprise
0 %

Average Rating

5 Star
0%
4 Star
0%
3 Star
0%
2 Star
0%
1 Star
0%

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *

Previous post Divergences sur les mois lunaires au Sénégal : Plaidoyer pour une solution durable
Next post PSG : 32M€ ! Luis Campos déniche un roc en défense
Close