MARCHÉ SÉNÉGALAIS DES ASSURANCES : Entre dynamique d’approfondissement et défis à relever
A fin 2022, le marché sénégalais compte vingt-neuf (29) sociétés d’assurances, dont dix-neuf (19) exerçant dans la branche « IARD » et dix (10) dans l’assurance vie. Les assurances sont régies par le Code d’Assurance sous régional mis en place par la Conférence Interafricaine des Marchés des Assurances (CIMA) en 1995. En vertu de ce code tout nouveau produit d’assurance doit avoir l’aval de la CIMA avant d’être mis sur le marché.
Evolution et répartition du chiffres d’affaires des assurances (en millions de FCFA)
Evolution et répartition du chiffres d’affaires des assurances (en millions de FCFA)
Il existe deux institutions de supervision du marché : la Commission Régionale de Contrôle des Assurances (CRCA) basée à Libreville (Gabon) et la Direction des Assurances (DA) rattachée au Ministère des Finances et du Budget impliqués aussi dans le diagnostic, le suivi du marché des assurances.
La consolidation de la production s’est poursuivie en 2022 avec une progression de +9,50% par rapport à 2021
Le secteur des assurances est caractérisé par le principe dit « l’inversion du cycle de production », c’est à dire la formation du chiffre d’affaires précède la détermination précise des charges de la compagnie constituée principalement par des sinistres dont le paiement peut prendre plusieurs mois ou années.
Les sociétés d’assurances sénégalaises ont réalisé en 2022 un chiffre d’affaires global (production) de 246,67 milliards de FCFA contre 225,25 milliards de FCFA en 2021, soit un rythme de progression de 9,50%. Ce dynamisme est imputable d’une part, à la croissance de la production de l’assurance Dommages qui est passée de 146.26 milliards en 2021 à 159,99 milliards de FCFA pour l’année 2022 (soit une variation de +9,38%), et, d’autre part, à la hausse du chiffre d’affaires de la branche vie qui est ressorti à 86,67 milliards de FCFA en 2022 contre 78,98 milliards de FCFA (soit une augmentation +9,74%).
En termes de comparaison, sur la même période, le chiffre d’affaires réalisé par le marché ivoirien s’est établi à 525 milliards FCFA en 2022 contre 463 milliards FCFA en 2021, soit une progression annuelle de 14%.
La hausse enregistrée au niveau de l’Assurance Dommages est en liaison avec l’évolution du chiffre d’affaires des branches Facultés Transportée (+43,7%), Maladies (+19,70%), Crédits Caution (+18,4%) et dans une moindre mesure de la branche Aviations (+12,10%).
Pour l’assurance vie, la variation de +11,10% est essentiellement portée par les Assurances individuelles (Garantie Décès avec une évolution de 24% ; Garanties Mixtes pour 16,7%) ainsi que par les Assurances Collectives (Garantie Épargne Retraite qui connaît une évolution de +13,16%)
La branche « IARD » consolide sa confortable position en 2022
En 2022, le marché sénégalais reste toujours dominé par la branche « Assurances dommages ou Incendie, Accidents, Risques Divers » (IARD) avec une part de marché de 64,85% contre 35,15% pour l’Assurance Vie.
Pour la branche IARD, une analyse suivant l’importance des parts de marché montre que la garantie « Accidents incorporels » arrive en tête avec 27,10% du portefeuille commercial. Elle est suivie de la branche Auto (Véhicules Terrestre à Moteur) qui se retrouve avec une part de marché égale à 25,10%. Quant à la branche « Incendie et autres Dommages aux biens », elle ressort en troisième position avec 17,90%.
Les plus faibles parts de marché pour la branche IARD sont relevées au niveau des produits de garanties « Crédit caution », « Corps et navires » et « Accidents individuels » avec des valeurs respectives de 3,80%, 1,40% et 0,4%.
Pour ce qui est de la branche « Assurance Vie », les parts de marché les plus élevées sont relevées au niveau de la garantie collective « Épargne Retraite » avec 42,20%, suivis de l’assurance collective « Épargne Retraite » (19,8%), de la garantie collective « Décès » avec 19,70% et de l’assurance individuelle « Mixtes » pour 11,30%.
La solidité financière des compagnies d’assurances nettement renforcée
La solvabilité d’une compagnie d’assurance se mesure à sa capacité à faire face à ses obligations sur le long terme. De façon générale, on appelle marge de solvabilité ou capital de solvabilité requis, le montant minimum de fonds propres éligibles dont doit disposer cette compagnie pour pouvoir poursuivre ses activités d’assurance sans restriction. Ce montant est fixé de façon réglementaire et vise donc à prévenir les situations d’insolvabilité, et à protéger les assurés.
En 2022, la marge disponible des compagnies d’assurances est de 176,79 milliards de FCFA alors que la marge réglementaire est de 37,90 milliards FCFA, soit un surplus de marge de 138, 89 milliards de FCFA. L’excédent de marge du marché est ressorti à 115.74 milliards de FCFA en 2021.
Il convient de signaler que le taux de marge qui résulte du ration fonds propres éligibles par le capital de solvabilité requis est largement supérieur à 100%, ce qui signifie une conformité des sociétés d’assurances sénégalaises aux exigences réglementaires en termes de solvabilité.
Malgré une tendance à la hausse, le taux de pénétration de l’assurance contraste avec la faible contribution du secteur au PIB
Le taux de pénétration est calculé pour un pays donné en exprimant le total des primes d’assurance en pourcentage du produit intérieur brut (PIB) du pays. Il indique dans quelle mesure le secteur de l’assurance contribue à l’économie nationale. En tant que tel, le taux de pénétration fournit une bonne base chiffrée pour la comparaison internationale entre différentes régions.
La contribution de l’assurance au PIB du Sénégal est de 1,49% en 2022 contre 1,47% en 2021, soit une augmentation de 0,02 point de pourcentage. Ce ratio se situe à 1,7% pour la Côte d’Ivoire, plus de 3% pour les marchés émergents, 4,5% pour le Maroc et pour la moyenne mondiale est de 7,5%.
Le faible indice noté au Sénégal comparativement aux autres pays pourrait s’expliquer par la faiblesse d’une culture d’assurance, l’inadaptation des produits d’assurance à destination des personnes défavorisées, l’ancrage des facteurs socioculturels.
La prime moyenne reste encore à un niveau relativement faible malgré une tendance à la hausse
La prime d’assurances par habitant qui donne une idée sur la culture de l’assurance est ressortie à un montant moyen de 13.899 FCFA en 2022 contre 13.064 FCFA en 2021 soit une augmentation annuelle de 3,0%.
Les compagnies d’assurance déploient une stratégie de placements et de diversification des risques
Le décalage entre l’encaissement des primes et le paiement d’éventuels sinistres fait que la société d’assurance se retrouve avec des sommes d’argent importantes. L’utilisation de cette masse de primes est très encadrée par le code CIMA.
Les primes servent principalement à payer intégralement les sinistres. Ainsi, le législateur impose aux sociétés d’assurance de constituer des provisions techniques pour faire face aux sinistres déjà réalisés qui ne sont pas encore payés et ceux susceptibles de se produire.
Pour faire face à leurs engagements réglementés, les sociétés d’assurances doivent constituer des placements suivant un catalogue défini dans les articles 335 et suivants du code des assurances. Ils doivent obéir à des règles de limitation et de dispersion édictées par les articles 335-1, 335-2, 335-3 et 335-4 du code en vue d’une bonne allocation des ressources.
Les placements des compagnies d’assurances se chiffrent à 496,76 milliards de FCFA à fin 2022 contre 443,54 milliards de FCFA en 2021, soit un taux de progression de 12,0%.
Cette hausse est imputable, en partie, aux dépôts en banque (+13,0%) et aux prêts, aux prêts et effets assimilés (+13%), aux actifs immobiliers (+12,11%), aux autres placements divers (+12%), aux valeurs mobilières (+11,05%) et dans une moindre mesure aux titres de participation et dépôts (+10,0%) qui ont enregistré des taux de progression sur la même période, représentant une augmentation globale des placements des compagnies d’assurances de 53,22 milliards de FCFA, en valeur absolue.
En 2022, les placements des sociétés d’assurances (496,76 milliards de FCFA) sont essentiellement constitués de dépôts bancaires (208,59 milliards de FCFA), de valeurs mobilières (126,04 milliards de FCFA), de titres de participation et dépôts (62,17 milliards de FCFA), d’immeubles (46, 59 milliards de FCFA), de prêts et effets assimilés (35, 26 milliards de FCFA). Les autres types placements effectués par les compagnies d’assurances ressortent à 18, 08 milliards de FCFA. Soit des parts respectives de 41,99%, 25,37%, 12,52%,9,38%, 7,10% et 3,64%.
Un coussin de sécurité satisfaisant avec un excédent de couverture des engagements réglementés
La couverture des engagements réglementés (ER) est une règle fondamentale qui structure le bilan des sociétés d’assurances. En cas d’insuffisance de couverture des engagements réglementés, le régulateur enjoint la compagnie en infraction avec la réglementation de produire un plan de redressement permettant de rétablir l’équilibre.
Pour 2022, les sociétés d’assurances ont dégagé un excédent de couverture des engagements réglementés qui s’établit à 90,24 milliards contre 69,42 milliards de FCFA pour la période 2021.
Un bon taux de couverture des engagements réglementés
Il convient de signaler que toutes les sociétés d’assurances affichent en 2022 un taux de couverture des engagements réglementés de 152,86%, soit un surplus de 52,86% par rapport au minimum requis de 100%. Pour rappel, ce taux était de 117,59% en 2021.
LES DÉFIS À RELEVER POUR LE MARCHÉ SÉNÉGALAIS DES ASSURANCES
Secteur en constante croissance depuis plusieurs années, le marché sénégalais de l’assurance bénéficie d’un environnement propice à son développement.
Toutefois, malgré sa dynamique de croissance qui se reflète à travers l’analyse des indicateurs d’activité et de performance, le secteur fait face à de nombreux défis parmi lesquels on relève :
l’innovation pour un taux de pénétration très faible, l’inadaptation des produits, les conséquences du changement climatique,lde a faiblesse de la culture assurancielle, et le manque confiance de la population envers les produits, etc.
a) Le défi de l’innovation et de la digitalisation
L’assurance via le mobile money est une piste sérieuse pour relever le niveau faible constaté dans la distribution des produits d’assurances et dans la perspective de toucher plus facilement les segments de populations qui n’ont pas encore ce type de protection.
La digitalisation des services et l’intégration de nouvelles technologies telles que l’Intelligence Artificielle permet d’automatiser certaines prestations de services, et ainsi dégager du temps pour se consacrer à la relation clients.
Proposer des services accessibles devra donc être une stratégie à renforcer par les acteurs du marché sénégalais des assurances. L’innovation numérique et la digitalisation pourront permettre une réduction du coût de service aux clients, une rationalisation des processus internes, mais surtout la mise à disposition au plus grand nombre d’une expérience client enrichie. L’objectif ici, est d’être en mesure de proposer une relation clients augmentée et transparente ainsi qu’un service de proximité.
De plus, ces nouvelles offres digitales « contribuent à la rénovation des systèmes classiques coûteux, encore centrés sur le principe des succursales et des réseaux de courtiers.
b) La faiblesse du taux de pénétration de l’assurance
Pour la majorité des populations vulnérables, l’assurance pourrait être une opportunité pour se prémunir contre des risques, mais peu de produits assurantiels sont aujourd’hui adaptés à ce segment. Il se pose alors toute la problématique du dimensionnement des produits par rapport à la situation professionnelle et financière des cibles.
C’est en ce sens que la micro-assurance pourrait être une voie salutaire d’inclusion financière pour propulser le taux de pénétration de l’assurance à un niveau plus élevé. Les revenus de la micro assurance sont plus faibles que ceux de l’assurance classique jusqu’ici proposée, sauf si on couvre une très grande population. Pari qui n’est pas gagné d’avance.
c) Le défi du renforcement de la confiance des cibles par une éducation financière adaptée
Outre les polices automobiles, obligatoires, les assurances tentent de diversifier leurs offres : couverture en cas de maladie, de sinistre, de décès. Mais elles peinent encore à convaincre. L’assurance a du mal à se défaire de ses vieux clichés aux yeux des populations.
Face à ce constat, il s’agira d’intensifier les actions d’éducation financière et de sensibilisation dans les thématiques liées à l’assurance en général, et la micro-assurance en particulier. Il sera tout au plus nécessaire d’élargir l’éducation financière à l’utilisation des moyens digitaux, notamment l’accès à l’assurance via mobile, et permettre aux populations à mieux connaître les différents produits d’assurance mais également à mieux connaître leurs droits et avantages en souscrivant à ces différents types de produits.
d) S’adapter au changement des profils de risque et de l’exposition au risque
Le marché de l’assurance voit actuellement l’arrivée de nouveaux risques. Avec le dérèglement climatique, l’accélération de la fréquence des sinistres et l’aggravation des catastrophes imposent une mutation à marche forcée. Les assureurs ne dérogent pas à la règle, et doivent mettre au point de nouvelles couvertures.
Cette perspective devient de plus en plus importante, notamment dans un contexte de changement climatique qui modifie les profils de risque et l’exposition générale au risque. D’où la nécessité de l’élaboration de nouveaux produits qui est incontournable pour accompagner la transition énergétique.
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