Problème foncier : Le diagnostic de Mamadou Lamine Diallo
La crise foncière de Ngor est assurément le révélateur d’un Président de la République esseulé, outrancièrement sollicité et anormalement surbooké.
Dans une de nos récentes chroniques, nous avions déjà attiré l’attention sur cet Hyperprésident au four et au moulin.
Macky Sall est visiblement obligé de s’approprier les problématiques domestiques et monter en première ligne pour trouver une solution même brinquebalante à l’affaire Ngor.
L’image insolite d’un Chef d’Etat obligé de convoquer nuitamment des dignitaires d’un village traditionnel pour régler une crise foncière appelle de nous plusieurs grilles d’analyse.
D’abord cela veut dire que ce dossier préoccupe l’Etat au plus haut point et c’est un point positif d’autant que l’accès à la terre et son contrôle sont toujours au cœur d’enjeux économiques, sociaux et politiques insoupçonnés.
Cela signifie aussi l’échec des proches collaborateurs du Chef de l’Etat dans leurs tentatives (si tant est qu’il y en avait) de résolution de ce conflit qui a fini de prendre des proportions inquiétantes.
C’est toute la tragédie d’un Chef habitué à jouer les sapeurs- pompiers dans tous les domaines de la vie sociale.
Le Gouverneur, les ministres concernées (Abdoulaye Sow, le ministre des finances) ou encore le Premier Ministre Amadou Ba pouvaient régler ce litige foncier si les services de la puissance publique marchaient normalement. D’aucuns peuvent pousser le bouchon plus loin en se demandant : Ils servent à quoi finalement ?
Ce dénouement de l’affaire au Palais présidentiel donne l’impression d’une certaine hypertrophie de la fonction présidentielle.
Comme si le Président prenait lui aussi un malin plaisir à rester l’Alpha et l’Oméga de notre vivre-ensemble en enfilant à n’importe quelle occasion la tunique du sauveur voire du Messie de la République. C’est toute la pertinence de la pensée de Tahar Hassine Ferhat écrivain Algérien qui disait : « L’homme politique s’arrange souvent, pour détenir la solution d’un problème qu’il se complaira à créer »
Politiquement parlant, il y a sûrement une certaine plus-value pour le Chef surtout dans un contexte tendu marqué par une véritable bataille de l’opinion autour des enjeux d’un scrutin présidentiel, sorte d’équation à mille inconnues en ligne de mire.
Cela relève quand même de l’anomalie de voir la clé de voûte de nos Institutions fortement impliquée même dans les dossiers les plus simples mais c’est devenu une banale réalité admise inconsciemment par l’imaginaire collectif : l’habitude étant une seconde nature.
Et puis l’Etat anticipe très peu sous nos cieux. C’est plutôt la réactivité qui est érigée en règle.
Pour autant, le dossier Ngor n’est pas une mince affaire et il faut éviter qu’il ne fasse des émules. Déjà que de gros risques sont identifiés sur la bande des filaos à Guédiawaye de même qu’à Yoff Tonghor.
Lorsque l’association des Cadres dite le Peey Lebu rappelle que c’est la survie du village traditionnel de Ngor qui est en jeu ce n’est absolument pas fortuit.
Pression sur l’assiette foncière
Une petite rétrospective permet de rappeler que les problèmes fonciers de Ngor ne sont finalement que la suite logique d’autres problématiques du genre déjà connues dans les terroirs Lébous du Cap-Vert naturel.
Il en est ainsi des affaires Tanka dans le Ouakam mais aussi de Yoff, des 12 Penc et des 121 villages Lebous identifiés dans le pays.
Le littoral et l’arrière-pays Lebou ont fait l’objet d’une convoitise et d’une spéculation foncière inouïe de nature à menacer l’ordre traditionnel régissant la vie de cette importante communauté qui a eu l’hospitalité d’accueillir nos autres concitoyens dans la capitale.
Même cas de figure pour l’affaire Ndingler ou encore le litige foncier du quartier résidentiel dakarois Mamelles Touba Renaissance où les espaces verts prévus ont été finalement vendus par le promoteur avec en prime un défaut notoire d’assainissement et des routes impraticables.
L’Etat connaît bel et bien l’identité de tous ces promoteurs immobiliers véreux protégés par des prédateurs à col blanc qui organisent au quotidien cette razzia foncière.
Tout le monde aspire à un toit ou à un bâtiment à usage commercial. Le hic c’est que les agents de l’Etat qui s’occupent des questions foncières (domaines, urbanisme, cadastre, collectivités territoriales…) font souvent preuve d’une telle boulimie avec la complicité d’une caste d’intouchables que la colère de certaines populations s’explique eu égard à ces dérives innommables.
Autant dire que les questions foncières restent vitales et difficiles à résoudre en Afrique du fait de la sempiternelle irruption des chefs coutumiers qui rappellent à l’envi la prééminence de la tradition sur les règles juridiques liées notamment au domaine national. C’est d’ailleurs une donne essentielle que les pouvoirs publics ont intérêt à prendre en compte dans leurs stratégies de négociation avec les populations ou leurs représentants
Il faut bien trouver des solutions durables et cela relève naturellement des missions régaliennes d’un l’Etat en phase avec les traditions locales en y intégrant toute la diplomatie requise en pareilles circonstances.
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