Visite du Président Macky Sall en Russie
La visite que le Président sénégalais Macky Sall a effectué en Russie continue d’alimenter au sein d’une certaine opinion africaine un sentiment de doute sur l’opportunité d’un tel déplacement d’un président de l’Union Africaine(UA), vers ces territoires reculés pour s’occuper d’un conflit, qui selon elle ne devait revêtir ce caractère prioritaire au regard des préoccupations urgente de l’heure sur le continent.
Une radio internationale très écoutée d’ailleurs avait fait une émission dessus en donnant la parole à ses auditeurs qui pour l’essentiel sont restés sur l’image que l’Afrique à d’autres priorités, et prédisait un échec à cette mission.
Vu sous cet angle très étroit, on reprend un vieux refrain qui voudrait que les 7% de l’économie mondiale que l’Afrique représente, la relègue irrémédiablement au rang des continents qui ne comptent pas, et dont la voix est insusceptible de faire effet à ce niveau de complexité des relations internationales.
Ce qui est faux car l’angle de comparaison qui met sur une même balance le conflit au sahel et la guerre en Ukraine n’est pas opérant.
La géopolitique mondiale induite par l’acte fondateur de l’Organisation des Nations Unies qui a posé le principe un Etat une voix fait que du fait du nombre d’Etats qui la compose, la voix de l’Afrique est courtisée sur les grandes décisions qui régissent le monde. L’exemple le plus récent est lorsque l’Assemblée général des Nations Unies, le mercredi 02 Mars 2022 a voulu voter à une écrasante majorité la résolution pour sanctionner la Russie lors de l’invasion de l’UKRAINE, la position des 35 pays qui ont voté l’abstention, dont la Chine et les 12 autres qui n’ont pas pris part au vote contre la Russie, auxquels s’ajoutent les 5 pays ayant voté contre parmi lesquels l’Ethiopie, la Corée du Nord, a fait l’effet d’un séisme.
Ce n’était ni plus ni moins que la réaffirmation d’une position déjà affichée à Bandoeng en 1955 et qui consacrait la naissance du Mouvement des Non-alignés dans un contexte de guerre froide et de course aux armements.
Pour le cas d’espèce, c’est au nom des pays membres de l’UA que, le Président Macky Sall dans l’exercice du mandat conféré par ses pairs, auquel il ne pouvait historiquement se soustraire, comme Abdou Diouf avait fait en survolant les pays de la ligne de front dans sa croisade contre l’Apartheid, pour se rendre d’abord en Russie avant de revenir se pencher à Accra sur les questions brûlantes de l’Afrique de l’Ouest.
Ce mandat de l’UA est empreint de pertinence et de réalisme car, nos pays qui ont franchi avec succès la crise de Covid 19, alors qu’on prédisait le chaos doivent résolument prendre position sur la marche du monde et non plus assister à New York, Genève, Davos… à la prise de décisions qui se fait sans nous, et bien sûr contre nous.
C’est la preuve de la nouvelle diplomatie décomplexée qu’incarne le nouveau leadership africain à travers Macky Sall bien sûr au nom de ses pairs, mais aussi dans d’autres cercles par Cyril Ramaphosa, Nana Akufo Ado, Mouhamadou Buhari….
Nos économies ne sauraient tenir longtemps si la guerre en Ukraine perdure. La structure de nos échanges extérieurs notamment vis- à- vis de l’Europe particulièrement de la Russie et de l’Ukraine en serait durablement impactée. Déjà les produits agricoles et les intrants nécessaires commencent à flamber, nonobstant les effets négatifs sur les rendements agricoles. La FAO prévoit d’ailleurs près de 150 millions de personnes sous la menace de la famine dans le monde, par conséquent la rupture de la chaine logistique vers notre continent remet en cause les politiques d’autosuffisance alimentaire.
L’Europe pour sa part se prépare d’ores et déjà à faire face à une percée inflationniste, avec le coût de l’énergie qui va augmenter pour impacter définitivement sur les produits de première consommation que nous importons d’ailleurs. Il faudrait s’attendre à un transfert des effets inflationnistes.
Elle doit se préparer à trouver des sources alternatives d’approvisionnement en énergies fossiles, et bien entendu se tourne vers le continent qui doit préparer des réponses à l’image du plaidoyer que le président Macky Sall avait fait au G20 quand les pays dudit groupe avaient décrété ne plus investir dans les énergies fossiles dont le pétrole et le Gaz.
Peut-on rationnellement considérer que ce qui se passe entre l’Ukraine et la Russie « n’est pas notre affaire » ? Faut-il attendre que cette crise génère des mouvements sociaux de la faim partout en Afrique pour encore et on le reprochera aux dirigeants de demander l’aide extérieure ? Voilà pourquoi il faut encourager cette initiative de l’Union Africaine qui fera date, et lui souhaiter un éclatant succès.
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