26 SEPTEMBRE 2021
Entre joie et peine
Cette année, la célébration du Magal de Touba, événement religieux, coïncide avec le 19e anniversaire de la commémoration du naufrage du bateau Le Joola. Ferry assurant la navette entre Dakar, la capitale sénégalaise, et Ziguinchor, la principale ville de la Casamance, la zone sud du Sénégal, ’’Le Joola’’ a sombré au large des côtes gambiennes dans la nuit du 26 au 27 septembre 2002. C’est la plus grande catastrophe maritime. Selon un bilan officiel, le drame a fait 1 863 morts et disparus pour seulement 64 rescapés. Alors que le ferry avait une capacité de 500 places.
Rescapés et familles de victimes n’oublient pas. La douleur est toujours vive, 19 ans après. Avec la ferveur religieuse du Magal, “c’est l’occasion d’avoir encore plus de prières pour tous les disparus”, a appelé Samsidine Aïdara, porte-parole du Comité d’initiative pour l’érection du Mémorial-Musée Le Joola et orphelin.
Dans un cri du cœur poussé le 8 septembre dernier, la veille du triste anniversaire, Aïdara et ses jeunes camarades ont rappelé le dépôt sur la table du gouvernement, depuis 2007, d’un Mémorandum en cinq points : la prise en charge des orphelins et rescapés, le renflouement de l’épave du bateau, la justice pour toutes les victimes du Joola, l’édification du Mémorial Le Joola, le choix du 26 septembre comme une journée nationale de souvenir. D’ailleurs, le thème retenu, cette année, en dit long sur le ressentiment des membres du comité : “Naufrage du Joola et gestion de la pandémie : l’irresponsabilité se poursuit”.
Toutefois, cette année, par rapport à la doléance sur la prise en charge des pupilles, des avancées sont notées. 371 ont été régularisés et reçu leurs allocations financières pour un montant de plus de 106 millions F CFA. En termes de recommandations, ces orphelins, qui protestent toujours, préconisent que le recensement et la prise en charge partent de la situation de 2002. Ainsi, se basant sur la loi 2006-39 du 7 novembre 2006 instituant le statut de pupille de la Nation, ils invitent l’office des pupilles de la Nation à compléter la liste”, rappelant qu’ “au lendemain du naufrage, près de 1900 orphelins mineurs avaient été recensés, et le gouvernement avait pris l’engagement solennel de les prendre immédiatement en charge.” Ce qui n’a pas été fait, déplorent-ils.
Un effort dans la prise en charge des pupilles
Par rapport également à la construction du Mémorial Bateau le Joola, les travaux ont été lancés, pour un coût d’environ trois milliards FCFA, à Ziguinchor. Tout en saluant l’engagement du chef de l’État (Macky Sall) d’ériger ce Mémorial sur les berges du Fleuve Casamance », les orphelins réclament une réplique à Dakar, sur la Corniche Ouest comme on le leur avait promis. Les familles attendent aussi d’être associées aux réflexions pour le contenu du Musée.
Au cœur de l’enquête du naufrage de « Le Joola », Major gendarme à la retraite, Aliou Kandji, spécialisé en police technique et scientifique et plus particulièrement dans l’identification était chargé d’identifier les corps des victimes acheminés au port de Dakar. Rejouant le film de cette triste journée, il rapportait à Emedia, en 2018, que “certaines des victimes avaient fait des attaques cardiaques avant de mourir.
Dans la peur et le choc, d’autres ont été paralysés avant de rendre l’âme. On le constatait sur leurs corps. C’est pour vous dire que le choc était violent et l’évènement terrifiant. Je ne peux jamais oublier ces images. Certes j’avais l’habitude d’identifier les corps, mais pour « Le Joola », après l’identification et l’enterrement des corps, je ne dormais plus. Je n’avais en aucun moment pleuré mais, je suis resté plus de 6 jours sans dormir. Les images étaient ancrées dans ma tête. J’étais troublé. C’est à cette époque-là que j’ai réalisé qu’entre la vie et le trépas, il n’y avait qu’un trait d’union”.
La question relative au renflouement de l’épave est au point mort. Toutefois, Major gendarme à la retraite, Aliou Kandji, est catégorique sur cette doléance : “techniquement, le renflouement n’est pas possible. Mais c’est normal que ceux qui ont perdu leurs mères, leurs pères, leurs enfants, leurs frères et sœurs fassent cette demande. Mais si c’était techniquement possible, s’il n’y avait pas des aléas négatifs, le président Macky Sall l’aurait fait.
Le Joola est un ancien bateau à coque et, il s’est renversé dans des eaux saumâtres, la salinité est à un niveau très élevé. Le bateau est à plus de 50 mètres de profondeurs. Les sondes ne répondent plus. Les bateaux peuvent passer dessus et s’en aller sans aucun problème. Donc, son renflouement est impossible.
Je dis toujours que Dieu a bien enterré ceux qui sont restés dans le bateau. C’est sûr qu’ils vont aller au paradis parce qu’en quelque sorte, ils ont été tués. Le commandant de bord qui a conduit le bateau et tous ceux qui avaient des responsabilités sur le bateau ont provoqué leur mort. Ce que l’État doit faire, c’est de mettre là-bas une bouée intelligente et que chaque année, les navettes partent là-bas pour permettre aux familles des victimes d’y faire leur prière”.
Dossier clos par la justice
Concernant le volet judiciaire, les familles des 18 victimes françaises du naufrage du bateau ’’Le Joola’’ qui avaient introduit un pourvoi en Cassation, après le non-lieu prononcé par la Cour d’appel en 2016, n’ont pas eu gain de cause. La justice française a clos le dossier, en confirmant le non-lieu dans l’enquête. Les orphelins continuent de réclamer justice, tout en sollicitant des prières.
L’ombre des membres fondateurs du comité dont aujourd’hui certains sont décédés a plané lors du point de presse que la nouvelle équipe a animé, le 8 septembre, en prélude de la commémoration du 19e anniversaire du naufrage. D’ailleurs, les jeunes avaient commencé par leur rendre hommage avant de dérouler leurs activités. “Cette rencontre avec la presse nous offre l’occasion de prier pour nos amis qui nous ont quittés. Il s’agit de Moussa Cissokho, Idrissa Diallo, Landing Massaly et Abdourahmane Tine. Que Dieu les accueille dans son Paradis. Amen !”, avaient-ils déclaré.
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