Sécurité et réconciliation nationale
La Coordination des comités de défense et d’approfondissement des acquis de l’insurrection population (CDAIP) était face à la presse mardi 17 août 2021 à Ouagadougou pour analyser les sujets d’actualité. Il s’agit notamment des questions sécuritaires et de la réconciliation nationale au Burkina Faso.
La Coordination des comités de défense et d’approfondissement des acquis de l’insurrection population (CDAIP) est montée au créneau le 17 août 2021. Elle est revenue à la charge sur les questions sécuritaires et de la réconciliation nationale au Burkina. Selon son président, Elie Tarpaga, face à la situation « dramatique » que connaît le Burkina Faso, tant au niveau sécuritaire que social, sa coordination a animé cette conférence de presse pour interpeler toutes les composantes de la société à prendre en main leur destin face à la « faillite de la classe politique bourgeoise », toutes tendances confondues.
Elie Tarpaga, président de la CDAIP
Sur la question de la réconciliation nationale, la CDAIP a fait savoir qu’elle n’est pas d’accord avec ce qui est proposé par la classe politique. Car elle dit voir en ce type de réconciliation un deal entre les classes politiques qui veulent trouver un arrangement pour se partager le pouvoir et non une question impliquant tous les Burkinabè. « Comment peut-on parler de réconciliation nationale pendant que les dossiers pendants ne sont pas encore résolus, comme le jugement du dossier de l’insurrection populaire et l’indemnisation adéquate des victimes du putsch de septembre 2015 », interroge le président de la CDAIP.
C’est pourquoi, dit-il, la coordination appelle les populations burkinabè à être solidaires et à construire l’unité sacrée des gens du peuple autour des plateformes citoyennes de lutte pour défendre et approfondir les acquis nés de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014.
La coordination exige par ailleurs le jugement du dossier de l’insurrection populaire et l’indemnisation adéquate des victimes du putsch de 2015.
Parlant de la question sécuritaire, la CDAIP souhaite que les VDP (volontaires pour la défense de la patrie) et les populations éprouvées par les attaques terroristes soient armés pour prendre en charge leur sécurité. Pour cela, elle exige le départ des bases militaires étrangères, notamment françaises et américaines, dont la présence est plutôt une source d’insécurité pour le peuple burkinabè. Et elle invite les populations à développer une solidarité agissante envers les personnes déplacées internes et les populations éprouvées par l’insécurité liée aux attaques terroristes.
La déclaration
Mesdames et messieurs les journalistes,
Avant tout propos, je voudrais que nous ayons une pensée pieuse pour les victimes de la liste noire des attaques terroristes, des assassinats de masse et ciblés qui ont occasionné des milliers de morts civiles et militaires (plus de 1500), des milliers de blessés, près de 300 000 réfugiés hors du pays (Niger, Mali, Bénin, Togo), 1 320 000 personnes déplacées internes. Paix aux âmes des disparus, prompt rétablissement aux blessés et réconfort aux personnes en détresse. Nous en appelons à la solidarité populaire agissante en ces moments pénibles et éprouvants pour les populations des zones les plus touchées par la violence inacceptable.
Mesdames et messieurs les journalistes
Au nom de l’ensemble des CDAIP de la ville de Ouagadougou, je vous souhaite la bienvenue à cette conférence de presse. C’est l’occasion, une fois de plus, pour nous, de vous témoigner toute notre reconnaissance pour les efforts que vous consentez pour porter la voie des CDAIP.
La présente conférence de presse est la première depuis les élections couplées présidentielles et législatives de novembre 2020, pour lesquelles, nous avions appelé le peuple à observer un boycott massif et actif. Et cette prise de position nous l’avions justifié par le fait que ces élections, comme celles de 2015, constituaient, non pas une occasion pour le peuple de décider de son avenir, mais au contraire une mascarade pour désigner parmi des prédateurs en compétition, lequel d’entre eux allait pour les cinq années à venir, présider au pillage des richesses de notre pays et à leur redistribution en leur sein.
Lequel d’entre eux allait procéder à la répression et à l’aggravation de la misère et à la détresse sociale et économique de notre peuple. Cette prise de position était en phase avec celles des populations particulièrement dans les grandes villes où ces élections ont été largement boycottées.
Neuf (9) mois après le festin électoral des riches, nous sommes davantage confortés dans notre prise de position au regard de l’aggravation à l’extrême des conditions de vie de notre peuple. Nous estimons par conséquent avoir eu raison d’exhorter les populations des villes et des campagnes de notre pays à compter sur leurs propres forces face à la faillite irréversible de la classe politique électoraliste dans son ensemble et, à poursuivre la lutte pour l’avènement d’une Révolution politique et sociale, seule alternative politique en faveur du peuple.
La présente conférence de presse vise à réaffirmer la position des CDAIP face à l’accélération et l’approfondissement de la crise multidimensionnelle que connait notre pays et qui appelle à un sursaut patriotique et révolutionnaire du peuple. Nous évoquerons spécifiquement la question sécuritaire et l’enfumage du peuple appelé réconciliation nationale.
Mesdames et messieurs les journalistes,
Pour les CDAIP, l’insécurité notamment les attaques terroristes dont notre peuple est victime et qui touche désormais toutes les Régions du pays, est un instrument de l’impérialisme, principalement français, et des forces politiques qui ont géré et qui gèrent toujours l’appareil d’Etat dans notre pays. Et cela, n’en déplaise à Son Excellence Monsieur l’ambassadeur de France au Burkina Faso, Luc HALLADE, qui n’a pas manqué l’occasion (après que l’un de ses prédécesseurs, Gilles THIBAULT, ait traité les koglwéogo « d’abrutis du village ») de mépriser, une fois de plus, les milliers de morts, de blessés et la détresse des millions de déplacés et de refugés du fait de ces attaques terroristes injustes.
En effet, celui-ci dans son discours prononcé à l’occasion du 14 juillet 2021, fête nationale de la France, a tenu les propos suivants et je le cite : « J’entends ou je lis trop souvent qu’il faudrait, pour gagner cette guerre (en l’occurrence la guerre contre le terrorisme, précisé par nous), chasser les armées étrangères amies et stopper toute collaboration, vécue par certains comme une compromission, avec elles.
A commencer bien sûr par l’armée française… J’avoue ne pas bien comprendre, malgré mes efforts, la logique d’un tel raisonnement », et d’ajouter et je le cite encore : « Je considère pour ma part qu’il s’agit, selon la terminologie utilisée lors de la guerre froide, « d’idiots utiles » aux terroristes », fin de citation (Journal le Pays n°7373, du 16/07/2021, p. 2).
Oui, Monsieur l’ambassadeur, la majorité de notre peuple veut et exigera le départ de votre armée ainsi que celles de vos alliés américains de notre pays, car elle a compris que la présence de celles-ci n’a pas vocation à lutter contre un quelconque terrorisme. Bien au contraire, c’est leur présence qui est la source principale du terrorisme !
Dans les parties de notre territoire occupées par les terroristes et autres bandits armés, c’est seulement eux et vos militaires qui s’y trouvent. Comment peut-on comprendre que des centaines de personnes armées, en motos, arpentent les pistes en plein Sahel pour massacrer des dizaines de personnes et emporter des biens y compris des troupeaux d’animaux alors que vous vantez la sophistication de vos matériels d’observation ? Nous avons toujours en mémoire vos prouesses quand il s’est agi de libérer des otages occidentaux comme ce fut le cas en 2018 ! En plus, Monsieur l’ambassadeur, dites-nous dans quelle partie du monde vos armées, celles des Etats-Unis, de la Russie, etc. ont déjà apporté la sécurité à un peuple ?
Nous avons le souvenir douloureux du génocide Rwandais dans lequel l’Etat français impérialiste se débat pour restaurer son image au regard de sa lourde responsabilité. Nous avons l’actualité de l’Afghanistan où après vingt ans de guerre destructrice pour le peuple afghan, vous et vos alliés américains sont contraints de fuir après un échec cuisant. Et que dire de ce que vos armées ont fait en Syrie, en Lybie au Mali, pour ne citer que ces exemples chauds qui expliquent en grande partie ce qui arrivent à notre pays ?
Dans ce dernier pays frère, le Mali, quel bilan faites-vous de votre intervention neuf ans après ? Le pays a sombré sur tous les plans et votre force Barkhane cherche une porte de sortie, en comptant se fondre dans la Task force TAKUBA qui, elle aussi, n’apportera rien de bon en matière de sécurité pour les peuples de la sous-région sahélienne.
Monsieur l’ambassadeur, partout où est présente votre armée, c’est pour assurer la sécurité du pillage des ressources et richesses nationales par vos multinationales. Et cela, notre peuple, ainsi que les peuples frères malien, nigérien, ivoirien, le comprennent de plus en plus sur la base de ce qu’ils voient et vivent des rapports incestueux entre votre présence et la flambée de l’insécurité. Alors, que vos armées partent ! Notre peuple se donnera les moyens de se défendre, comme il le fait déjà avec ses vaillantes personnes qui s’organisent en groupes d’auto-défense pour défendre leurs villages !
Mesdames et messieurs les journalistes,
L’insécurité généralisée dans notre pays tire ses fondements de la faillite de la gestion politique néocoloniale de notre pays par l’ensemble des forces politiques pro-impérialistes, dont la ligne de conduite est la défense des intérêts des multinationales impérialistes et de ceux des élites politiques qui dirigent notre pays depuis les indépendances formelles de 1960 et de leurs alliés des milieux d’affaires. Ce mode de gestion de classe et néocoloniale a produit la misère sociale (chômage de masse, faim, maladies, précarité, analphabétisme etc.), la dépravation des mœurs (corruption, enrichissement illicite, prédation des richesses nationales, esprit du gain facile, prostitution, drogue, etc.) et les injustices territoriales.
Certaines régions du pays ont été totalement abandonnées et martyrisées (le Sahel, l’Est, la Boucle du Mouhoun, etc.), manquant parfois de simples bonnes routes pour aller et venir, d’eau potable et de simples infrastructures sociales (écoles, centres de santé notamment). Se déplacer, par exemple, dans les Banwa est comme si on faisait un pèlerinage tellement les voies ressemblent aux routes de l’enfer ! L’axe Gounghin-Fada est en souffrance depuis plus de cinq ans malgré les multiples interpellations des populations de la Région et de tous les usagers.
Cette gouvernance a fait le lit au développement des sentiments régionalistes et ethnicistes qui sont d’ailleurs instrumentalisés par les hommes politiques dans leurs plans funestes de conquête ou de conservation du pouvoir d’Etat. C’est en grande partie sur ces mêmes sentiments que s’appuient les terroristes et autres obscurantistes dans l’espoir de diviser notre peuple.
Aussi, le mercenariat d’Etat développé depuis le début des années 1990 par le pouvoir du Capitaine Blaise Compaoré a donné lieu à des connexions avec divers groupes criminels et terroristes avec en toile de fond des enjeux économiques importants : trafics d’armes, de cigarettes, d’êtres humains, deals de libération d’otages, etc. Notre peuple est victime des conséquences de ce mode de gouvernance qui se poursuit toujours.
C’est essentiellement pour toutes ces raisons que nous parlons de faillite irréversible de l’ordre néocolonial. Cet ordre qui est celui de la primauté des intérêts des multinationales impérialistes qui monopolisent les richesses du peuple, mais également celui de la minorité bourgeoise néocoloniale (élites politiques, hommes d’affaires qui sous-traitent avec les multinationales impérialistes).
C’est pour cette raison fondamentale que la sortie de crise révolutionnaire qui traverse notre pays ne saurait se limiter à une simple question d’alternance politique. Mode de dévolution du pouvoir qui consiste à faire relayer des forces politiques bourgeoises pro-impérialistes à la tête d’un Etat qui structurellement n’est pas en mesure de défendre les intérêts des paysans, des travailleurs, de la jeunesse populaire, notamment leur assurer la sécurité physique et celle de leurs biens.
L’expérience politique de notre peuple lui montre, mille et une preuves à l’appui, que la classe politique électoraliste est la même. Elle se compose et se recompose au gré des intérêts personnels des clans et de leurs chefs. Certains qui affirmaient, rien que hier, que le pouvoir MPP et alliés est « congénitalement incapable » de gérer le pays l’ont rejoint sans ménagement, soit pour avoir une part du gâteau soit pour bénéficier de levée de poursuites judiciaires.
D’autres forces politiques qui prétendent dénoncer l’insécurité à travers des marches-meetings n’ont pas pu se garder de demander ouvertement la libération de putschistes en prison dont on sait la responsabilité dans l’assassinat des enfants du peuple, la décomposition de l’armée à travers la création et l’orientation des moyens militaires vers leur milice armée que fut l’ex-RSP ! Aussi se sont-elles montrées ostensiblement pro-impérialistes français en refusant que des manifestants, visiblement et légitimement en colère contre les menées de l’impérialisme français dans notre pays, expriment leur rejet de la présence des bases militaires françaises dans notre pays.
Brûler le drapeau français au cours d’une marche contre le terrorisme est, en effet, peu faire !
Telle est la photographie de la classe politique électoraliste de notre pays. Il est clair que l’alternance dont on parle se soldera toujours par la reprise des mêmes pour recommencer et la conséquence sera sans aucun doute l’aggravation de la crise multidimensionnelle : sécuritaire, sanitaire, éducative, alimentaire, chômage, etc., que connait le pays. Voilà pourquoi, les populations se détourneront de plus en plus de leurs élections, comme ce fut le cas le 22 novembre 2020, et pour s’orienter vers la voie du changement révolutionnaire.
Mesdames et messieurs les journalistes,
Face à la crise multidimensionnelle qu’elles ont créée par leur logique de prédation et leurs luttes de clans pour la conquête du pouvoir, les forces politiques bourgeoises, sous la direction de leurs maîtres impérialistes, principalement l’impérialisme français, nous entonnent le refrain de la réconciliation nationale. L’on se demande comment l’on peut être cause et solution d’un problème ?
Qui est-ce qui a fabriqué, soutenu et entretenu le terrorisme, véritable instrument de division du peuple ? Qui est-ce qui a pillé et continue de piller le foncier et l’or du pays ? Qui sont ceux qui par leur vision politique de classe bourgeoise néocoloniale ont mis et continuent de mettre en œuvre les politiques antisociales qui détruisent l’école, la santé et crée le chômage de masse ?
Qui sont ceux qui mettent le grappin sur l’argent public au point d’en faire la une des journaux tous les jours ? Qui sont ceux qui ont assassiné et continuent d’assassiner les dignes filles et fils de ce pays ?
Alors, comment veut-on que les victimes se réconcilient avec leurs bourreaux ? La réconciliation chantée n’est donc pas sincère. Sinon, comment comprendre que les acteurs politiques appellent à une réconciliation alors que leurs actes au quotidien aggravent davantage la crise socio-politique et économique (assassinats, corruption, pillage des richesses du pays) ?
Cette réconciliation est manifestement un deal sur le dos du peuple pour faire passer en pertes et profits tous les crimes économiques et de sang dont se sont rendus coupables bien de leaders politiques. Ceux qui doivent répondre devant la justice pour leurs responsabilités dans les dizaines de morts suite à l’insurrection d’octobre 2014 espèrent, à travers cette mascarade de réconciliation, échapper à la justice. Pour les clans qui ont perdu le pouvoir à l’occasion de l’Insurrection populaire la réconciliation signifie en réalité : le retour de Blaise Compaoré et de François Compaoré sans passer par l’étape de la justice et du châtiment à la hauteur des actes commis, s’ils sont reconnus coupables (dossier Thomas Sankara, Norbert Zongo, et bien d’autres crimes de sang et économiques), le non jugement du dossier judiciaire de l’Insurrection populaire qui concerne les membres du dernier gouvernement de Blaise Compaoré.
C’est ce qui peut expliquer certaines démissions en faveur du MPP d’ex-ministres qui doivent pourtant répondre devant la Haute-Cour de Justice. Pour ceux qui gèrent actuellement le pouvoir, la fumeuse réconciliation leur est utile car avant et après la prise de contrôle de l’appareil d’Etat, ils trainent des casseroles : pillage du foncier, des deniers publics, assassinats ciblés et de masses à la faveur de la lutte contre le terrorisme, etc.
De notre point de vue, la réconciliation dont il est question aujourd’hui est une manœuvre pour sceller une nouvelle entente entre les hommes d’un même système, dans laquelle les aspirations des populations seront foulées au pied. Tous sont obnubilés par la sauvegarde d’un système de prédation qui leur confère des privilèges de classe bourgeoise mais qui sécrète pauvreté et misère pour les grandes masses. L’unité sacrée des riches ne saurait concerner les pauvres, les exploités et les victimes.
Mesdames et messieurs les journalistes,
La situation dramatique au plan sécuritaire et sociale (cherté de la vie, désespoir pour la jeunesse, etc.) interpelle toutes les composantes de notre peuple à prendre leur destin en main face à la faillite de la classe politique bourgeoise réactionnaire, toute tendance confondue. C’est pourquoi les CDAIP appellent les populations de la ville de Ouagadougou et des environs et l’ensemble des gens du peuple à :
– Solidariser et construire l’unité sacrée des gens du peuple autour des plateformes citoyennes de lutte pour défendre et approfondir les acquis et espoirs nés de l’Insurrection populaire d’octobre 2014 et de la Résistance victorieuse de septembre 2015 ;
– Exiger le jugement du dossier de l’Insurrection populaire et l’indemnisation adéquate des victimes du putsch de septembre 2015 ;
– Exiger que les VDP et les populations des zones durement éprouvées par les attaques terroristes soient conséquemment armés pour prendre en charge leur sécurité. Cette question de l’armement du peuple doit être une revendication populaire face à l’incapacité de l’Etat d’apporter la sécurité au peuple et garantir l’intégrité de notre territoire ;
– Développer la solidarité agissante avec les personnes déplacées internes et les populations éprouvées par l’insécurité liée aux attaques terroristes ;
– Intensifier la lutte anti-impérialiste et exiger le départ des bases militaires étrangères, notamment françaises et américaines de notre pays, dont la présence est plutôt une source d’insécurité pour notre peuple.
Les CDAIP invitent les populations de la ville de Ouagadougou et environnant à se mobiliser dans ses rangs et à se tenir prêtes pour participer aux activités commémoratives des anniversaires de la Résistance et de l’Insurrection populaires victorieuses.
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