Indépendance

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C’est connu qu’en tant que Président du Conseil Supérieur de la Magistrature, le Chef de l’Etat nomme les magistrats sur proposition du Ministre de la Justice. Vice président du conseil, ce dernier est le chef direct du Ministère public qui lui est subordonné depuis le Procureur général en passant par le Procureur de la République jusqu’à son délégué. Si les magistrats se font encore entendre c’est surtout pour faire sauter ce verrou du pouvoir de nomination non sans couper le cordon ombilical par lequel, le pouvoir exécutif passe pour contrôler le pouvoir judiciaire dont l’indépendance est proclamée dans la Constitution.

Au Sénégal, la Constitution mentionne sans équivoque que l’organisation et le fonctionnement de l’État reposent sur la séparation et l’équilibre des Pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. Il est également proclamé .dans le même texte fondamental que le pays est attaché aux principes d’une gestion démocratique et décentralisée des affaires publiques fondée sur la primauté du droit, la transparence et l’obligation de rendre compte. Malgré ces dispositions pertinentes, la question de l’indépendance de la justice se pose avec acuité. Elles est non seulement soulevée par les justiciables mais aussi par ceux là qui sont censés rendre la justice. En effet, du fait queL’indépendance et l’impartialité constituent les deux principes fondamentaux de tout système judiciaire. Il suffit d’entraver l’une ou à l’autre pour annuler la garantie faite aux justiciables que l’acte de juger sera seulement déterminé par les arguments du débat judiciaire, en dehors de toute pression ou de tout préjugé. L’indépendance de la justice résulte non seulement de la séparation des pouvoirs, mais encore des garanties statutaires qui mettent les magistrats à l’abri des pressions ou menaces qui pourraient peser sur leur faculté de juger. C’est en ce sens qu’il faut comprendre l’objectif du dernier communiqué rendu public par le Bureau de l’Union des Magistrats du Sénégal (UMS). En fait, . en demandant plus d’indépendance pour la justice, L’UMS veut mettre un terme au pouvoir de nomination de ses membres par le Président de la République. En tant que président du Conseil supérieur de la magistrature, le Chef de l’Etat nomme et dégomme les magistrats sur proposition de son ministre de la justice. Avec ce pouvoir , il dispose d’un droit de « quasi vie et mort » sur la corporation des magistrats. Dans une telle situation que les magistrats n’ont cessé de dénoncer, il aura suffi qu’un des leurs se manifeste par des décisions contraires aux attentes de l’Exécutif ou par des prises de position révolutionnaires pour que des sanctions tombent sur sa tête. Les consultations à domicile qui sont utilisées par l’exécutif pour muter des magistrats en l’absence de la tenue de conseils sont autant de procédés qui freinent l’indépendance des magistrats qui se voient ainsi, être à la solde des tenants d’un pouvoir qui les tiennent en laisse. Si des exemples de scénarii de ce genre sont légion du temps de ses prédécesseurs, c’est avec le Président Sall, qu’on assiste à de décisions de grâce qui sont souvent prises pour entraîner des grincements de dents dans les rangs des magistrats. Il ya également le cas patent de la traque des biens mal acquis qui connait un coup de frein non pas par la volonté des magistrats qui s’en chargent ,mais par celle de l’autorité à l’origine du déclenchement de la reddition des comptes. Le pouvoir de nomination que les magistrats veulent retirer au Président de la République via sa position dans le Conseil supérieur de la magistrature n’est pas le seul obstacle à leur indépendance. Il ya également la hiérarchisation très poussée du ministère public qui est lié au ministère de la justice par un cordon ombilical préjudiciable à son indépendance. En plus d’être fortement hiérarchisé en procureur général, procureur de la République, délégué du procureur, le ministère public qui est constitué de l’ ensemble des magistrats chargés de représenter les intérêts de la société et de veiller au respect de l’ordre public et à l’application de la loi est subordonné au garde des sceaux. Si la question de l’indépendance de la justice est devenue une préoccupation majeure de l’Ums qui ne la pose pas pour la première fois, c’est parce que le Sénégal est présenté par ses dirigeants comme une vitrine de la démocratie. Mais avant eux et y égard au vécu, la population a la conviction, vraie ou fausse, que les arcanes de la justice ne dispensent toujours pas que la justice, que les issus de certaines affaires se négocient. Entre critiques et réalités d’un service pas comme les autres, on retient que la justice sénégalaise traverse une crise. Elle est depuis son existence au centre d’une vaste problématique qui ne connaîtra de solutions que lorsqu’elle aura acquis son indépendance totale, telle que le recommande la Constitution.

Ablaye Cissé

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