Melilla

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Depuis l’arrivée de 8 000 migrants dans l’enclave de Ceuta il y a deux jours, les habitants de Melilla, l’autre territoire espagnol sur le sol marocain, craignent un événement similaire. Les militaires sont largement déployés dans la ville. Une centaine de migrants sont arrivées ces dernières 48h, la moitié a été directement renvoyée au Maroc voisin. Reportage.

Il est minuit, ce  soir, sur la plage de Hipica, à Melilla. L’air est étouffant tout comme l’atmosphère ambiante. Au bout de la digue de Melilla, qui sert de frontière avec le Maroc voisin, une quarantaine de migrants ont été interceptés par les autorités espagnoles. Ils venaient juste de passer en territoire espagnol par la mer. Les policiers les ont sortis de l’eau. Pendant plusieurs heures, tenus à distance, les journalistes et les collectifs d’aide aux migrants regroupés sur la plage, n’ont pas su ce qu’il se passait exactement. Seuls les nombreux gyrophares bleus clignotant dans la nuit, et le bruit de l’hélicoptère tournant dans le ciel au dessus de la plage, indiquaient une opération de grande ampleur.

Deux heures plus tard, tous les personnes arrêtées ce soir-là ont été renvoyées directement au Maroc voisin.

Depuis l’arrivée la veille de 8 000 migrants dans l’autre enclave espagnole, à 400 km de là, à Ceuta, les autorités de Melilla ont amplifié la surveillance de leurs frontières. Hors de question qu’un événement similaire se déroule ici. Pedro Sanchez, le Premier ministre espagnol, en déplacement à Melilla, l’a promis : il “protégera les frontières” du pays et “ramènera l’ordre”. Un message sécuritaire pour apaiser une population plutôt inquiète.

“J’ai voté pour lui et maintenant, je le regrette”, explique Tomas*, un jeune espagnol d’une vingtaine d’années qui accueilli le Premier ministre à coups d’insultes. “Je ne veux pas que l’immigration devienne incontrôlable. Je veux plus de sécurité aux frontières”. Même crainte de la part de son amie qui ne veut pas “que Melilla devienne un centre géant pour migrants”.

“1 300 arrivées en 2020, contre 5 000 en 2019”

Des réactions disproportionnées selon les collectifs d’aide aux migrants présents dans l’enclave. “La situation est loin d’être catastrophique”, explique Javier, membre de Servicio Jesuita a Migrantes, un collectif d’aide aux sans-papiers. En 2020, environ 1 300 personnes sont arrivées à Melilla, contre 5 000 arrivées en 2019.

Ici, peu de migrants sont à la rue. Il n’y a pas non plus de campements informels. “Des personnes dorment dans des bâtiments abandonnés, sur la plage, mais c’est loin d’être la majorité”, détaille Javier. Les demandeurs d’asile qui attendent de pouvoir rejoindre le continent sont logés au CETI, le seul centre d’accueil de la petite enclave. Les mineurs isolés sont, eux, dirigés vers des structures spécialement conçues pour eux.

Mardi, 86 Soudanais ont réussi à entrer dans Melilla, ils ont tous été pris en charge par les autorités. Aucun n’a dormi dehors. Ils ont été transférés dans un centre spécial pour respecter une quarantaine obligatoire, puis ils rejoindront le CETI.

“La fermeture des frontières complique la situation”

De plus, les arrivées – bien que quasi-quotidiennes – sont rarement massives, estiment les collectifs. “Les tentatives de passage se font souvent à une trentaine de personnes”, mais rarement au dessus de 100, explique Marta, membre du CEAR, une autre association d’aide aux migrants.

“Les migrants se retrouvent bloqués ici. Mais la situation n’est pas hors de contrôle. C’est compliqué parce que les frontières sont fermées à cause de la pandémie de Covid”. Depuis le mois de mars 2020, les demandeurs d’asile de Melilla sont en effet “bloqués” dans l’enclave. Impossible de les transférer vers le continent espagnol.

Pour Marta, la “déferlante migratoire” relève donc du fantasme. Depuis le début de l’année, la jeune femme estime qu’il y a eu environ 800 arrivées. “C’est un chiffre important, évidemment, mais pas alarmiste. Au CETI, il y a actuellement 1 000 personnes, c’est plus que la capacité maximale de 700 personnes, mais c’est assez bas comparé aux années précédentes. Il y a eu jusqu’à 1 700 migrants en 2019 au CETI”.

“Le gouvernement de Melilla a demandé un déploiement de plus de militaires ici, le long des frontières, juste au ça où. Je ne pense pas que ce soit nécessaire”, estime-t-elle.

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