Calvaire des hôteliers
La pandémie de la Covid-19 a fortement impacté le secteur touristique, notamment les gérants de réceptifs qui évoquent un bilan catastrophique, avec des pertes estimées à plus de 300 milliards de francs CFA, malgré l’appui de l’Etat.
Au Sénégal, le secteur du tourisme s’est imposé comme un véritable moteur de l’économie, au second rang derrière la pêche. Développé aussitôt après les indépendances, le tourisme international et essentiellement balnéaire, appréhendé comme un facteur de développement, n’a cessé de croître.
Selon les chiffres donnés par le Syndicat Patronal de l’Industrie Hôtelier au Sénégal, lors du conseil des ministres sur la relance de l’économie, organisé par le gouvernement avec tous les pans de l’économie impactés par la Covid-19, les arrivées internationales représentent 65 à 70%. Tandis que le tourisme domestique et intra-régional, effectué essentiellement à Saly, ne représentent que 25 à 30% des arrivés touristiques.
Ainsi, estime le syndicat, sur les mille quatre-cents entreprises hôtelières et touristiques, des dizaine d’hôtels seulement se sont insuffisamment servis cette année.
’’Il m’est bien difficile de faire une évaluation fiable car ne possédant pas de statistiques globales des flux de touristes. Par contre de nos échanges entre professionnels, le constat le mieux partagé est que la pandémie du Covid a eu un impact catastrophique sur la destination’’, a fait savoir le directeur de l’Hôtel Les Bougainvilliers de Saly, Boubacar Sabaly
Selon cet expert du secteur, par ailleurs président du syndicat d’initiative touristique de la région de Thies, ’’la profession a estimé l’impact à plus 300 milliard de pertes de chiffres d’affaires, en sus des charges fixes que les entreprises du secteur continuent à supporter’’.
Et les prévisions, à l’en croire, ’’sont loin d’être optimistes avec le regain de la pandémie, avec cette seconde vague qui inquiète même au plus haut niveau’’.
’’Nous considérons à notre niveau que l’année 2021 est totalement compromise et que, si la situation se prolonge, le désastre est à craindre’’, a-t-il signalé.
D’ailleurs, a-t-il rappelé, c’est en vue d’éviter la faillite du secteur que la profession a sollicité le soutien de l’Etat qui avait déjà pris dès la première vague des mesures d’accompagnement, en allouant au secteur une ligne de crédit de 15 milliards de francs destinés au maintien des emplois et à la couverture des charges fixes pour 3 mois.
De même, les autorités étatiques avaient accordé aux acteurs le report des payements d’impôts et taxes exigibles, conformément à leur demande.
D’après M. Sabaly, ’’une seconde enveloppe 50 milliards de francs sera bientôt levée par l’Etat pour appuyer davantage les professionnels du tourisme, suite notamment à des concertations permanentes avec les autorités, toujours à l’écoute des acteurs’’.
’’Par contre le regain de la pandémie risque de rendre ces efforts insuffisants. Et il nous faudrait, dans ce cas, pas moins de 100 milliards de francs CFA pour tenir’’, selon lui.
’’On va dans le mur car les mesures prises ne sont pas à la hauteur’’, a, de son côté, réagi Lionel Lopez, propriétaire depuis 13 ans de l’hôtel Le Cordon Bleu de Ndangane Sambou, un village touristique très prisé, niché dans la région historique du Sine-Saloum, à cent-soixante kilomètres de Dakar.
’’Nous, dans le Saloum, on a la chance de bénéficier de la clientèle locale de saly et de Dakar, avec laquelle on arrive à couvrir à peu près les frais et encore. Mais pour les operators de Saint -Louis, de Casamance ou Kédougou, je ne connais pas un client qui, pour un weekend, va se farcir entre 800 ou 1500 km aller-retour’’, a-t-il déclaré.
Fustigeant la réciprocité de la fermeture des frontières appliquée par le ministère du tourisme et des transports aériens, il a, à ce propos, martelé qu’’’un client sénégalais ou expatrié ne remplacera jamais un touriste qui va faire entre une semaine et un mois de séjour’’.
’’Sur l’impact, il faut dire que ce fut suicidaire quand le ministre du tourisme décide d’appliquer la réciprocité par fierté et dignité (…) parce que l’Union européenne n’a pas autorisé aux Sénégalais de venir. C’est suicidaire car on ne peut pas se contenter du tourisme local, c’est à peine 20 ou 30% du chiffre d’affaires’’, a ainsi expliqué Lionel Lopez.
Aussi, a-t-il insisté, ‘’les aides de l’Etat sont en réalité des crédits hôteliers remboursables sur huit ans, avec caution personnelle. Et quant aux exonérations de charges, il n’y a rien, c’est une simple suspension jusqu’en janvier 2022. Il faudra payer après. Pour dire que les hôteliers n’ont reçu aucun cadeau’’.
’’Cela fait plus de vingt ans que je m’active dans le secteur. J’ai traversé la crise économique de 2008, le virus à Ebola, mais je dois avouer quand même que l’Etat vient à notre à chevet’’, a pour sa part reconnu Victorine Ndiaye, gérante du campement touristique Nanaay, nom donné au Baobab sacré de Palmarin, un village sérère des îles du saloum situé dans l’arrondissement de Fimela, à quelques encablures de Ndangane Sambou.
Saluant cet appui financier de l’Etat, elle dit avoir reçu de ce fonds la somme de 3 millions 600 mille francs CFA. Ce montant, selon elle, non loin de combler son manque à gagner, lui a permis d’assurer, entre autres charges, le paiement des salaires et celui des factures d’électricité et d’eau.
’’Avec près de 500 nuitées annulées, sans compter les repos et autres activités payantes proposées aux touristes, vous pouvez avoir une idée sur l’ampleur des pertes que j’ai subies cette année à cause de cette pandémie’’, explique t-elle.
Selon Victorine Ndiaye, malgré ces péripéties notées, le tourisme, notamment l’hôtellerie gérée à 80% par des étrangers, reste encore, pour le privé national, ’’un secteur très rentable à prendre’’’.
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