Lutte contre le terrorisme en France
Avant l’hommage national ce mercredi à La Sorbonne, les collègues de Samuel Paty, des élèves, des voisins se sont réunis mardi soir à Conflans-Sainte-Honorine en souvenir de l’enseignant assassiné vendredi 16 octobre à la sortie de son collège.
Un hommage national est rendu ce mercredi à La Sorbonne à Samuel Paty, l’enseignant assassiné vendredi dernier pour avoir montré des caricatures de Mahomet à ses élèves lors d’un cours sur la liberté d’expression. Cette attaque terroriste a ébranlé ces derniers jours l’ensemble du pays et est tout particulièrement les enseignants. Isabelle Saint-Martin, auteure de l’ouvrage Peut-on parler des religions à l’école ? (Albin-Michel) et directrice d’études à l’Ecole pratique des hautes études, en parle.
En France, il n’y a pas de matière spécifiquement dédiée à l’enseignement du fait religieux à l’école et pourtant le sujet est abordé dans les programmes scolaires. Par exemple dans les cours d’histoire ou les cours d’éducation civique. A quel moment est-ce que ça bloque pour les enseignants ? A quel moment est-ce qu’ils se retrouvent confrontés à des difficultés sur ces questions ?
En France, l’école est laïque. Il n’y a pas d’approche religieuse confessionnelle et il n’y a pas non plus un cours dédié, comme vous l’avez dit. On en parle en histoire, en lettres, dans d’autres disciplines.
Le problème n’est souvent pas tant dans les programmes eux-mêmes, dans les contenus d’enseignement, que dans ce que l’on appelle le vécu scolaire. C’est à dire la question du voile, la cantine, la piscine, comme cela a été évoqué. Et la difficulté (survient) quand ce vécu scolaire fait éruption dans la classe et vient bloquer le discours (pédagogique), le contenu de l’enseignement.
Il peut y avoir un conflit de loyauté, c’est-à-dire que les élèves ont le sentiment que ce qu’on leur demande d’apprendre est contraire à ce que qu’on vit dans leur famille, est contraire aux valeurs de leur famille. Donc là, il y a effectivement des situations de remise en cause, de conflits qu’il ne faut pas généraliser bien évidemment, mais c’est vrai qu’il y a des établissements où il peut y avoir des tensions très vives.
Et justement est-ce que les enseignants aujourd’hui, sont suffisamment armés, suffisamment préparés pour faire face à ces conflits de loyauté que vous évoquez ?
Je pense qu’ils sont armés ou formés pour faire de la pédagogie avec leurs élèves. Ils pourraient l’être encore plus, on peut évoquer cela, mais là où ils ne le sont pas suffisamment, c’est pour gérer les conflits avec les parents d’élèves qui deviennent de plus en plus vifs. Et là, on aborde vraiment des questions de société qui concernent la République dans son ensemble. On ne peut pas demander à l’école d’être en situation de faire face à l’islamisme, à tous les problèmes de société.
Et vous proposez justement dans votre livre une approche du fait religieux par les arts, par la peinture, les toiles de maître. Est-ce que la caricature, selon vous, a sa place dans cette approche ?
Par les arts dans l’ensemble, arts du quotidien, architecture, des objets… Je pense que cela permet de dépassionner le débat, en ayant quelque chose de concret, une médiation, une œuvre à commenter, construire un regard commun dans la classe sur une œuvre. Dans ce contexte, la caricature peut avoir sa place et elle l’a parfaitement dans un cours sur la liberté d’expression, parce qu’on apprend aussi à la remettre dans l’histoire longue de la caricature anticléricale. On apprend à décrypter un langage visuel, à ne pas se sentir offensé par un dessin. Cela suppose une éducation du regard.
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