Cheikh Ridhaa
Cheikh Ridhaa comblant de bénédictions une assemblée conquise.
Il disait n’avoir en tout et pour tout bien que deux chamelles. Au final, Cheikh Aly Ridha bin Mohammed Naj al-Saidi alias Cheikh Ridhaa, le marabout qui avait fait fortune en promettant aux propriétaires de terrains et de maisons d’acquérir leurs biens pour un montant de trois à quatre fois au dessus du cours normal, a mis la clé sous le paillasson avec un passif de 90 milliards d’anciennes ouguiyas (MRO) ou 240 millions de dollars.
A l’achat, les vendeurs percevaient une petite avance, une promesse ou une bénédiction en attendant un reliquat qui ne viendra jamais. Le bien, lui, est immédiatement revendu en dessous du cours normal à travers un réseau de courtiers et d’intermédiaires de tout acabit. “Ma maison valait 35 millions de dollars, ils me l’ont acheté et elle a été revendu à 11 millions”, déclare ce client, séduit par le discours religieux du “guide”.
Grande fut la désillusion pour notre interlocuteur, qui préfère garder l’anonymat, de peur d’ennui, et ces nombreux pères de familles, aujourd’hui face à la plus grande escroquerie de la Mauritanie moderne. Car jusque-là, toute tentative de porter l’affaire au pénal a échoué par la “grâce de Dieu”, dira-t-on. Qui protège donc le prédicateur et homme d’affaires Cheikh Ridhaa ?
La société (ou plutôt le bureau) du mystérieux homme d’affaires est tombée en faillite, laissant sur le carreaux des centaines de personnes aveuglées par cette naïveté. Car Cheikh Ridhaa n’a fait recours qu’au vieux système de Ponzi, cette cavalcade qui a permis à Bernard Madoff de tromper des milliers de petits porteurs dans une Bourse organisée.
Mais là où l’américain, condamné le 29 juin 2009 à 150 ans 6 mois après la découverte de son forfait estimé à 65 milliards de dollars , avait usé d’analyses techniques pour amadouer ses victimes, le prédicateur mauritanien, toujours en liberté, avait mis en avant sa dévotion de modeste serviteur de Dieu et d’homme aux pouvoirs mystiques.
Les victimes qui menaçaient de faire appel jusqu’ à l’ONU espéraient que le nouveau président, Mohamed Cheikh Ould Ghazouani, serait moins ambigu que son prédécesseur, Mohamed Ould Abdel Aziz, resté de marbre face aux doléances des présumées victimes et s’interdisant, en bon libéral, d’intervenir dans une affaire privée. En octobre 2019, un tribunal commercial s’est intéressé au dossier déposé par l’un des avocats des plaignants et avait convoqué le prédicateur. L’instance commerciale aurait finalement décidé en juin 2020 de la liquidation judiciaire bureau commercial de Sheikh Ali Rida bin Muhammad Naji al-Saidi sous la conduite d’un juge et d’un syndicat de faillite. Reste à savoir, en attendant l’évaluation de l’actif et du passif, si les victimes, qui n’arrivent pas à porter l’affaire au pénal, rentreront dans leurs droits.
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