« Clean Day »
Le clean day ou la journée de propreté nationale du samedi 04 janvier revêt à notre niveau deux dimensions majeures. La première pose la problématique de nos rapports avec notre environnement. La deuxième se situe sur l’appréciation de l’acte posé par le président de la République. Alors si on apprécie le clean Day par rapport à notre première dimension, il faut avouer que les Sénégalais ne respectent pas leur propre environnement. Nous mangeons n’importe où. Les gargotes sont installées dans chaque coin de rue.
Les vendeurs de café et dans une moindre mesure les célèbres Tangana participent à ce décor malsain. Nous pissons dans chaque coin de rue. Nous jetons nos restes alimentaires et les tasses en plastique dans la rue. Nous laissons nos épaves de véhicules n’importe où. Les ateliers de mécaniciens, de soudeurs, de menuisiers… sont éparpillés. L’espace public est constamment agressé. Cette pollution est aggravée par les panneaux publicitaires qui sont disposés d’une manière anarchique à travers nos grandes artères. Heureusement que sur cet aspect, le gouverneur et le préfet de Dakar sont en train de faire d’excellentes choses.
Nos villes sont aussi agressées par les charrettes qui causent des nuisances puisqu’elles sont souvent à la base d’accidents tragiques. Nous avons fini de détruire notre propre environnement parce que sociologiquement notre déterminisme commun, c’est dire très souvent que « fi meddou bour la ».
Une manière de dire qu’on a le droit d’installer la merde dans la rue parce que celle-ci n’appartient à personne. Ou tout au moins à Buur (le roi). Or comme dans ce domaine, l’Etat a fait faillite depuis très longtemps. Le système social « du vouloir de vivre en commun » qui devait se reposer sur l’école, les daaras et la religion n’a pu s’ériger en véritable espace de « fabrication » d’un homme sénégalais civilisé. Parce que si l’éducation échoue dans la formation de nos enfants, ce sont des générations de Sénégalais qui sont perdus pour la République.
Le je m’en foutisme est ainsi érigé en règle de conduite. Personne ne respecte personne. La nature a horreur du vide. Le phénomène comportemental inadéquat des Sénégalais par rapport à leur environnement est honteux. C’est dire qu’en instaurant le clean day, le président Macky Sall vient de poser un acte fort. La deuxième problématique, c’est qu’au-delà du clean day, le chef de l’était avait un rendez-vous à un test de popularité. De son quartier Mermoz à la place de l’Indépendance, en passant par le Rond- point Jet d’Eau, Macky Sall a eu droit à des accueils populaires. Des marées humaines ont accompagné le président de la République. Outre la capitale, toutes les grandes villes du pays ont participé à cette grande manifestation. Un révélateur de l’adhésion des populations à l’initiative du premier des Sénégalais sur cette question.
C’est là où se situait le véritable enjeu. Comment les populations vont-elles accueillir une telle initiative ? Est-ce que le président Macky Sall va-t-il réussir son appel ? Assurément nous pouvons dire que le président de la République a réussi son pari. Il sait qu’il devait prôner par l’exemple en se retroussant les manches. Les images d’un président en sueurs et affrontant la poussière sont au-delà du symbolique, didactiques parce qu’elles dimensionnent les actes que chaque Sénégalais devra poser sur cette question de la gestion de notre environnement. Ceux qui jouaient sur l’impopularité supposée du président en ont eu pour leurs grades. Le président a réussi son test de popularité. Que dire de nos épouses. Une fois de retour à la maison avec pelle et brouette, elles ont voulu nous imposer un clean day dans notre propre foyer. Votre serviteur a été contraint à cet exercice.
Chaque sénégalais devra prendre exemple sur le premier d’entre nous. Macky Sall a su rallier tout le monde à cette cause noble. Seulement le grand défi reste la pérennité du clean day. C’est justement la préoccupation majeure qui doit être un défi qui dépasse le président de la République. Elle doit être un défi collectif.
Parce qu’aujourd’hui, nous devons changer nos comportements. A l’aune du changement climatique, nous n’avons pas d’autres choix. Alors c’est à ce niveau que les pouvoirs publics sont appelés à mettre en place des stratégies de participation collective en invitant les populations à s’associer à l’événement. Le clean day ne doit pas être une action d’une journée, ni celle des autorités. Sinon elle conduit à un échec patent comme ce fut le sort des fameuses opérations « Set-Setal » des années 80-90. Le phénomène fut évanescent parce qu’il n’a pas été réfléchi d’une manière profonde. C’est justement que si nous saluons l’initiative du chef de l’Etat, nous pensons déjà à la pérennité d’une telle initiative. C’est là le véritable enjeu.
Par Baba TANDIAN
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