Cas Karim et Khalifa
Aujourd’hui, avec la réconciliation entre Wade et Macky suivie de la grâce accordée à Khalifa Sall, il souffle un vent de décrispation sur le ciel politique sénégalais. Et la justice dans tout ça sommes nous tenté de demander. Car n’oublions pas qu’avant de trouver une issue politique, ces affaires ont avant tout été traitées par la justice. Aussi bien Karim Wade que Khalifa Sall ont été accusés de malversations financières, et pour démontrer leur culpabilité, le Procureur de la Crei et le Procureur de la République avaient tenu des points de presse à charge contre eux. Aujourd’hui en ces périodes de décrispation, le Procureur de la République devrait aussi pouvoir communiquer avec les populations à qui il doit des explications étant donné qu’il est l’avocat de la société, il protège l’intérêt public en assurant le respect de la loi pénale. Aussi doit il pouvoir éclairer la lanterne de la société en lui disant comment Karim Wade accusé d’enrichissement illicite, et condamné à une peine de six ans de prison ferme a pu, après 38 mois de détention, s’exiler nuitamment dans des conditions obscures au Qatar sans pour autant s’acquitter de l’amende de 138 milliards qui lui a été infligée. De la même manière il doit aussi pouvoir expliquer à la société pourquoi et comment Khalifa Sall a été élargi de prison alors qu’il n’était pas demandeur. Parce que dans l’un comme dans l’autre cas c’est la Justice qui les avait condamné avec force arguments juridiques, réfuté toute connotation politique. Le procureur de la République Serigne Bassirou Guèye avait même déploré vendredi 3 mars 2017 les accusations selon lesquelles l’enquête portant sur l’affaire de la Caisse d’avance de la mairie de Dakar est politique. “Il n’y a pas eu de problèmes politiques. Il s’agissait plutôt de justifier l’utilisation de 1milliard 800 millions de francs CFA. Les déclarations écrites et réitérées par le Directeur administratif et financier de la mairie de Dakar face à Khalifa Sall, suffisent pour établir le faux. avait-il expliqué. Mais aujourd’hui le constat est que ces affaires qui sont du ressort de la justice sont en train de se régler sur le terrain politique. Finalement une façon de faire ne donne t-elle pas raison à ceux qui soutiennent que le pouvoir utilise la justice pour solder des comptes politiques ? Toujours est il que dans ces situations, c’est Serigne Bassirou Gueye qui monte au front pour porter la charge. Ce qui fait que dans l’histoire judiciaire du Sénégal, jamais un Procureur de la République n’a autant été décrié que lui. Dans l’affaire Aida Ndiongue, malgré la sortie en charge du parquet, elle a été relaxée. Ce qui avait déplu à Serigne Bassirou Gueye, qui dans un communiqué avait qualifié la décision de relaxe de Aïda Ndiongue, « d’ illégale et même troublante.» Une sortie qui n’était pas du goût de l’Ums qui n’avait pas tardé à lui porter la réplique . Selon l’union des magistrats du Sénégal les propos tenus par Bassirou Gueye sont de « nature à porter atteinte à leur honorabilité » et constituent « un coup dur porté à la Magistrature ». Ils jettent également « le discrédit sur l’institution judiciaire et « violent la séparation des pouvoirs ». En dernière analyse et en dernière instance, l’Ums dit se désolidariser de tout magistrat qui « viole délibérément et de mauvaise foi son serment.» Pour l’affaire Khalifa Sall aussi, dans l’arrêt rendu par la Cour de justice de la Cedeao concernant l’affaire de la caisse d’avance de la mairie de Dakar, le procureur de la République, Serigne Bassirou Guèye a été incriminé pour sa communication jugée «attentatoire» au principe de la présomption d’innocence dans cette affaire. La juridiction communautaire avait souligné aussi dans son arrêt que la violation de la présomption d’innocence résultait de déclarations faites par le procureur de la République au cours d’une conférence de presse tenue le 3 mars 2017, et également que « les propos tenus sont d’une extrême gravité et ne laissent aucun doute dans l’esprit du public sur l’imputation des faits de détournement de deniers publics », que « le procureur de la République a implicitement laissé entendre aux yeux du public que Khalifa Sall était coupable de détournement de deniers publics.» Aujourd’hui, eu égard à toutes ces considérations, pouvons nous dire que les intérêts de la société sont assez bien défendus par son avocat ? En tout cas selon Alioune Ndao Alioune Ndao l’ex procureur de la Crei défenestré en plein procès Karim Wade «les ordres sont donnés au procureur et il arrive que l’exécutif bloque la main d’un juge.» Or « aucun texte n’autorise le ministre de la Justice à donner des instructions de non poursuite, comme par exemple un classement sans suite ou autre.» avait déploré AliouNdao. Comme pour dire que pour la séparation des pouvoirs, il faudra repasser. Pourtant l’ancien procureur de la République, Ousmane Diagne, avait, lors de la passation de service au parquet de Dakar, entre lui et son successeur Serigne Bassirou Guèye, le 2 mai 2013, délivré un message puissant à l’endroit de ses collègues magistrats membres du parquet. Clamant son indépendance, il avait juré ne jamais être un procureur du gouvernement. «A chaque fois qu’il m’a été possible de dire non, j’ai dit non de la façon la plus ferme, la plus irrévocable. Je n’ai aucun regret. L’indépen¬dance, ça s’assume et ça se paie.» Voilà qui a le mérite d’être clair.
Medianet.sn
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